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Expériences d'une femme d'ouvrier

Donner une bonne éducation à ses enfants, c'est le désir de chaque mère, mais comment faire pour le réaliser ? Voilà le problème difficile à résoudre et que je n'ai pas résolu bien que je sois aujourd'hui une grand'maman. Je ne vous ferai pas part de mon système n'en ayant jamais eu; du reste je trouve que c'est inutile d'en avoir, car autant d'enfants, autant de caractères différents; si le système réussit pour l'un, on est sûr qu'il aura l'effet contraire pour l'autre. Je ne veux ici qu'esquisser quelques expériences que j'ai faites, espérant qu'elles pourront être un encouragement pour d'autres mères.

Si mes enfants sont tous entrés dans la bonne voie c'est à la bonté et à la grâce de Dieu que je le dois; c'est Lui qui s'est révélé à eux et qui a réparé tout ce que je n'ai pas su faire. Car à ce point de vue j'étais aussi ignorante et aussi peu expérimentée que la plus novice d'entre vous.

Je n'ai qu'un souvenir très vague de ma mère; orpheline très jeune, j'ai été élevé par ma grand'maman à la montagne isolée, sans frère ni soeur. Les enfants alors n'étaient pas compris et entourés comme ils le sont maintenant. Je me souviens d'avoir cruellement souffert de cette éducation sévère et austère, dénuée de toute affection et épanchements tendres. J'avais l'impression d'un isolement profond, de n'avoir personne à aimer et je regardais avec envie les enfants ayant des frères et soeurs et une maman. Toute cette affection réprimée dans mon coeur s'ouvrit avec une intensité rare, lorsqu'à 21 ans déjà je tenais dans mes bras mon fils premier-né. Je ne puis ici décrire les sentiments qui remplissaient, mon coeur, mais vous les comprenez chères mères qui lisez ces lignes.

Si je parle de l'amour que j'ai eu pour mes enfants, c'est que c'est grâce à cet amour, je le reconnais maintenant, que laissés à eux-mêmes toute la journée, ils n'ont pas suivi une mauvaise voie.

Permettez-moi chères mères, de vous dire d'aimer vos enfants, de vous faire aimer d'eux, vous ne le ferez jamais trop. Je les plains celles qui pour les réjouir et leur faire plaisir, ne savent que leur donner un bonbon, une sucrerie; non, donnez à votre enfant un sourire, une caresse, un doux baiser, cela, fera plus de bien à son petit coeur que le bonbon à son estomac.

Mes premières années de mariage furent les plus belles de ma vie, années trop courtes hélas car à peine avais-je môn troisième enfant que mon mari, sobre jusque là, s'adonnait à la boisson et nous faisait à tous une vie misérable.

Je dus laisser mon ménage et mes enfants toute la journée et aller aider mon mari dans son ouvrage. Je partais à cinq ou six heures du matin, suivant la saison et ne rentrais qu'à onze heures pour faire à la hâte le dîner et donner à manger au bébé; car chaque année il y en avait un nouveau et hélas ! sur dix il n'en reste aujourd'hui que cinq. Les aînés devaient prendre soin des cadets et du bébé, mettre tout en ordre dans la maison et préparer ce qu'il fallait pour le dîner; à peine ce repas terminé, je repartais et ne rentrais qu'a cinq ou six heures le soir.

Quand je me reporte à ce temps et que je me demande comment mes enfants pouvaient faire tout ce qu'ils faisaient, je ne vois qu'une chose : ils m'aimaient et n'auraient pas voulu me faire de la peine. Je n'avais personne à qui raconter mes chagrins et par amour-propre surtout, je n'aurais jamais voulu le faire, mais j'avais mes enfants. C'est auprès d'eux que je trouvais la force de vivre, c'est à eux que je racontais mes peines et mes soucis, soucis terribles dont vous ne pouvez vous faire aucune idée, et ils les partageaient; ma peine était leur peine. Combien de fois n'ont-ils pas pleuré avec moi ! Les enfants comprennent les choses beaucoup mieux que nous ne le pensons et nous ne devons pas négliger ou mépriser leur sympathie, c'est au contraire une chose précieuse.

Je me rappelle que souvent le dimanche harassée et brisée je me couchais l'après-midi leur laissant tout à remettre en place et e ne puis y penser sans attendrissement, mes enants, sans que je le leur aie demandé, faisaient leur ouvrage tout doucement et restaient ensuite bien tranquilles pour ne pas me réveiller. Si l'expérience que j'ai faite me permet de donner un conseil je dirai à telle mère d'ouvrier qui travaille et qui peine: "Ne rentrez pas chez vous avec un visage sombre, n'ayant que des paroles aigries par la souffrance. Faites ce suprême effort sur vous-même. Ne décevez pas vos petits qui ont été seuls toute la journée, qui ont fait tout ce qu'ils ont pu, souvent beaucoup de mal, et qui pourtant se réjouisseiit du retour de "la maman". Qu'ils vous voient rentrer contente de les revoir, qu'ils puissent avec confiance vous raconter ce qu'ils ont fait, leurs sottises aussi bien que le devoir accompli. Mais surtout, mère, dites leur ce que vous avez fait, faites leur connaitre vos soucis, ils les partageront en quelque mesure, et à vous cela vous fera du bien; vous ne trouverez nulle part ailleurs un réconfort aussi doux que de vous sentir comprise et aimée par vos enfants.

En outre, ils apprendront à être contents de ce qu'ils ont, si peu soit-il, sachant que vous ne pouvez pas faire davantage. Mes enfants ont toujours été heureux et joyeux à la maison lors même que nous avons été dans la dernière des misères, calculant pour que les petits aient au moins à manger à leur faim et ne sachant pas ce que nous aurions pour le lendemain. Leur principale préoccupation était que je ne sois pas triste et que je ne me fasse pas de soucis. L'effort que je devais faire sur moi-même, m'a empêchée de succomber au désespoir, et au milieu même de notre affreuse misère nous avons passé malgré tout de bons moments faits de rire et de joie, grâce à l'esprit de contentement qui les animait.

J'ai dit plus haut, que vos enfants devaient eux-mêmes vous dire leurs sottises. Je dois insister sur ce point, il nous faut avoir la confiance de nos enfants. Pour les mères qui ne sont à la maison que le soir alors qu'elles sont bien fatiguées, c'est difficile. Aussi, je vous recommande de ne pas trop gronder vos enfants, vous n'arriverez qu'à les éloigner de vous, il faut souvent fermer les yeux sur le mal qu'ils font, mais par votre sourire bienveillant encourager les confidences et les récits, vous ne vous en repentirez jamais, tandis que vous regretterez toujours, comme je le fais moi-même aujourd'hui, toutes les fois que vous les aurez brusqués et rudoyés. Il est aussi très nécessaire, pour les filles comme pour les garçons, que les enfants aient de petits intérêts à la maison, des choses qui les amusent et vous amusent aussi par condescendance. Il faut leur procurer des jeux. Lorsque mon garçon avait cinq ou six ans il aimait les poupées. Comme je ne pouvais pas lui en acheter, car il lui en fallait beaucoup, il imagina d'en faire lui-même avec des chiffons; c'est ainsi qu'il apprit à coudre. Je ris en pensant que ce grand garçon de douze ans me demandait encore si j'avais un joli petit chiffon pour faire la tête d'une poupée pour sa petite soeur soi-disant. Pendant un certain temps il passait ses loisirs à chercher des pierres avec ses soeurs pour faire une collection. Il "effondrait" toutes ses poches de pantalon. Je l'ai grondé bien souvent, ne me rendant pas compte combien j'avais tort et combien il valait mieux raccomoder quelques trous le soir, bien tard c'est vrai, plutôt que d'empêcher mon garçon de se livrer à cet innocent passe-temps. Les timbres et la botanique l'ont aussi beaucoup amusé. Que n'a-t-il pas imaginé pour faire sécher ses fleurs et installer l'herbier de son invention. Et la lecture! Que de livres dévorés! Ce fut lui encore qui apprit à tricoter successivement à nos quatre filles. Il avait dix-huit ans révolus quand la toute petite pleurait parce que ses grandes soeurs s'énervaient en lui montrant à manier les aiguilles. Et ce fut lui, avec sa bonne lenteur et sa patience habituelles qui lui enseigna cet art si compliqué. Quel air triomphant il avait quand elle su faire quelques tours sans faute !

Nous devons donc cultiver les goûts de nos enfants avec un soin jaloux, car pendant qu'ils s'y livrent ils ne font aucun mal, ne prennent pas l'habitude de rôder dans la rue et évitent les mauvaises compagnies qui corrompent.

Et je prends encore la liberté de donner un petit conseil. Il n'est pas bon, je crois, de permettre à de petits amis ou amies de s'introduire chez vous. Si vous avez plusieurs enfants ils doivent se suffire à eux-mêmes, ils ne s'aimeront que mieux. Je dis ceci pour les femmes d'ouvriers seulement, qui sortent de chez elles toute la journée. Pour les autres c'est différent; elles sont là, elles peuvent surveiller ce qui se passe et par leur seule présence empêcher les mauvais propos et les mauvaises confidences. Votre enfant tout seul n' aurait pas l'idée de faire la sottise et le mal que son ami pourrait lui suggérer. J'en ai fait la dure expérience, croyez-le. Nous étions à Genève, six dans un tout petit appartement de deux pièces, ruinés et dans le plus complet dénuement. Mon mari ne pouvait plus boire parce qu'il n'avait plus d'argent et plus d'ouvrage, moi seule je gagnais pour tous comme garde-malade. Ma fille aînée âgée de 13 ans devait me remplacer et faire tout le ménage, la lessive et le reste, elle prenait un soin de vraie mère de ma cadette qui avait alors 18 mois. Je crus bien faire, pour la sortir un peu d'elle-même et lui créer un intérêt, d'encourager une liaison avec une petite voisine de son âge, qui demeurait sur le même palier. Je l'ai toujours regretté et ma fille le regrette plus que moi, car elle n'a conservé qu'un souvenir amer et plein de remords de cette liaison, c'est elle qui me l'a dit. Cette petite amie n'était pas plus mauvaise que ma fille, bien le contraire, mais ce qui lui était permis à elle,ne l'était pas à ma fille qui devait travailler, qui avait des devoirs sérieux à remplir; elle en a été distraite par les amusements de cette petite voisine. Au fond elle n'y tenait pas, elle-même n'y trouvant aucun plaisir, et sa conscience lui reprochait le temps perdu, mais tourmentée par son amie, elle cédait et ce fut ainsi pour beaucoup de choses encore.

Ce n'est pas parce que vos enfants sont meilleurs que les autres qu'il ne faut pas les laisser frayer avec des camarades, oh ! non, mais quand vous n'êtes pas là et que vous ne pouvez expliquer, réprimer ou corriger, je crois qu'il vaut mieux éviter ces amitiés, elles ne peuvent que porter préjudice à l'affection fraternelle qui doit être d'autant plus intense qu'ils sont privés toute la journée de la surveillance maternelle.

Que vous dire encore, chères mères, si ce n'est que c'est bien assez pour cette fois et vous faire mes excuses d'avoir été si Iongue pour peu de chose.

Cependant je ne puis vous quitter sans ajouter qu'après dix longues années de souffrance et d'épreuves, Dieu qui veillait sur nous et qui nous suivait au milieu de nos naufrages successifs, nous a attirés à Lui et s'est révélé à nous d'une manière tout à fait particulière par le moyen de réunions d'évangélisation populaire.

Il y a onze ans maintenant que nous sommes, mon mari et tous nos enfants, sans oublier mon petit-fils, qui n'en est encore qu'à son lait, d'heureux membres de la Société de Tempérance de la Croix-bleue.









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