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Puissance des habitudes
On entend dire fréquemment que l'habitude est une seconde nature et, dans ce mot nature, on comprend l'ensemble de notre santé, notre caractère, notre intelligence et notre volonté. Il est vrai, en effet, que l'habitude est assez puissante pour transformer cette nature en bien ou en mal, ce qui montre qu'on a grand tort de penser et de proclamer, comme on le fait trop souvent, qu'on est ce que la nature nous a faits et qu'on ne peut pas se changer. Ainsi, il n'est pas naturel à l'être humain d'aimer la propreté, je n'en veux pour preuve que le plaisir avec lequel nos enfants s'amusent à des jeux qui les salissent et le peu d'enthousiasme qu'ils manifestent quand nous effaçons, brosse et savon en main, les traces de ces jeux sur leurs doigts et leurs visages; laissez la nature agir toute seule et votre garçon ou votre fille grandira sans aimer à être propre, modifiez au contraire la nature en leur donnant l'habitude de se laver et peu à peu ils ne voudront plus se sentir sales et l'habitude de la propreté transformera en souffrance ce qui, dans l'état de nature, aurait paru très indifférent, et, en jouissance ce qui aurait semblé un ennui, tels que des bains, des douches, etc. Il en est de même pour l'ordre, pour le travail, pour tout ce qui constitue la trame de notre existence, et c'est précisément parce que l'habitude est une telle puissance que nous devons en faire notre alliée dans l'éducation de nos enfants. En effet, si nous n'en faisons pas notre alliée, elle deviendra pour nous une terrible ennemie.
N'avez-vous pas remarqué que dans tout terrain qui n'est pas bien cultivé et bien ensemencé, foisonnent les mauvaises herbes. Ce terrain, c'est le coeur de nos enfants et soyons sures que si nous n'y semons pas de bonne heure des habitudes saines et pures, leurs coeurs seront envahis par des habitudes mauvaises que nous aurons bien de la peine à déraciner. Il est beaucoup plus facile de faire prendre une bonne habitude à un enfant que de le corriger d'une mauvaise, c'est pourquoi nous devons commencer la lutte dès le premier âge. Je suis si convaincue de l'importance de commencer tôt l'éducation des enfants, que j'ai le coeur tout réjoui lorsque je vois une jeune maman laisser son enfant pleurer dans son berceau, en ayant parfois elle-même une larme dans les yeux, résistant à la tentation de le prendre dans ses bras, parce qu'elle ne vent pas l'habituer à être promené et que, le cher petit ne souffrant d'aucun mal, elle sait qu'il essaie seulement de se faire gâter. Je vois dans cet acte de fermeté le gage d'une bonne éducation et j'espère alors que cette maman saura prévenir par des habitudes d'obéissance, de véracité, de complaisance, de travail, les funestes habitudes de désobéissance, de mensonge, d'égoïsme et de paresse, qui trouveraient un terrain favorable dans un coeur laissé à lui-même et aux influences pernicieuses des mauvais exemples.
Il y a des habitudes qui sont de véritables esclavages; veillons soigneusement à ce que nos enfants en soient préservés et pour cela luttons contre elles dès que nous les voyons paraître. Il y a malheureusement beaucoup de cas où l'on s'aperçoit trop tard qu'on a fait naître une habitude qui est devenue fatale parce qu'on n'a pas réfléchi aux conséquences de certains actes. Si, par exemple, en se promenant le dimanche avec ses enfants, on leur donne l'habitude de s'arrêter au restaurant ou au café pour y prendre quelques rafraîchissements, ces enfants devenus grands pourront être entraînés à passer dans ces cafés des heures qui ne laissent après elles que souffrance et remords. L'usage du tabac paraît bien innocent à beaucoup de gens et je ne voudrais pas le mettre sur le même rang que l'ivrognerie, loin de là, mais c'est pourtant une habitude qui a ses dangers, soit parce qu'elle entraîne souvent à boire, soit parce qu'elle nuit à la santé, et je ne pourrai que féliciter les mères qui sauront arrêter leurs fils à la première cigarette, alors qu'ils n'ont pas encore à rompre avec une habitude pour s'en passer.
Nous avons beaucoup insisté sur la puissance de l'habitude; devrons-nous en conclure qu'elle est irrésistible et nous dire avec tristesse, avec désespoir peut-être que les mauvaises habitudes prises par nous ou nos enfants ne peuvent pas être changées et que nous en resterons toujours esclaves ? Grâce à Dieu, il n'en est rien et c'est à la lutte contre les mauvaises habitudes aussi bien qu'à la formation des bonnes que je viens vous convier. Ici encore, je vous invite à prendre pour auxiliaires les bonnes habitudes. Vous savez que lorsqu'un terrain est infesté de mauvaises herbes avec ces longues racines qu'on ne peut extirper, le plus sûr moyen d'en venir à bout est de planter des pommes de terre. Si donc vous reconnaissez en vous quelque mauvaise habitude, mettez toute votre énergie à acquérir la bonne habitude contraire et sous cette forme la lutte sera plus facile. De même avec vos enfants. Votre fille a-t-elle du désordre ? Ne lui reprochez pas les trous de sa robe, ses cheveux défaits, ses affaires qui traînent, non, mais préparez-lui un tiroir ou un rayon où elle puisse serrer ce qui lui appartient, montrez-lui l'avantage de ne pas perdre son temps à chercher les objets égarés, le charme d'avoir une robe en bon état et une tête bien soignée; veillez à ce qu'elle ne se relâche pas jusqu'à ce que l'habitude soit prise et, moyennant un peu et peut-être beaucoup de peine et de patience, vous aurez donné à votre fille un trésor pour lequel elle vous bénira toute sa vie. - Je pourrais multiplier les exemples, mais vous les trouverez vous-mêmes dans vos expériences maternelles.
Un mot seulement encore. Il faut une grande persévérance pour former une bonne habitude; il en faut une plus grande encore pour en corriger une mauvaise, mais il vaut la peine de se montrer héroïque dans cette lutte. D'ailleurs il y a un fait encourageant que nous ne devons pas oublier: tout acte volontaire est un premier pas vers une habitude, et chaque fois qu'il se répète il devient plus facile parce que l'habitude se prend; si le premier pas est difficile, les suivants le seront moins. Ainsi donc, vite à l'oeuvre! Ne laissons pas les mauvaises habitudes s'enraciner davantage; hâtons-nous d'en prendre et d'en donner de bonnes, et, avec l'aide de Dieu, le succès couronnera nos efforts.
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