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Véracité
Si l'on veut élever des enfants, la première chose que l'on doit se demander est celle-ci: Quel est le fondement de toute moralité ? Quelle est la disposition naturelle ou acquise qui sera la sauvegarde de toutes les vertus et qui enrayera le développement de tous les vices ? Quelle est la qualité qu'il faut avant tout cultiver chez les enfants ? La réponse, pour moi, n'est pas douteuse : cette vertu fondamentale c'est la véracité, la disposition à dire toujours la vérité.
Si vos enfants vous disent toujours la vérité, si non seulement ils ne vous mentent pas, mais s'ils n'ont ni le désir ni l'idée de vous cacher ce qu'ils font, ce qu'ils disent et ce qu'ils pensent, alors, et alors seulement vous pouvez connaître et écarter de leur chemin les influences dangereuses, surprendre les dispositions mauvaises qui naissent en eux, avant qu'elles soient développées, qu'ils les connaissent bien eux-mêmes, et qu'il soit trop tard pour les arracher de leur coeur. D'eux-mêmes, s'ils ne sont pas habitués à nourrir dans leur esprit des désirs inavoués, des images et des pensées secrètes, ils éprouveront une répugnance naturelle pour toutes les choses vilaines, dont le charme trompeur s'évanouit à la lumière. La vérité est comme le grand soleil qui tue les germes malsains et purifie tout.
C'est pourquoi je ne crains pas de proposer aux mères la règle que j'observe moi-même dans l'école que j'ai créée, c'est de sacrifier tout à cette vertu fondamentale, la véracité.
C'est une chose bien étrange et étonnante que des enfants, et même des plus petits, puissent mentir, et parfois avec une effronterie et une astuce qui déroutent l'éducateur le plus attentif. C'est, dit-on, une disposition naturelle. Pour moi, je n'en crois rien, parce que le mensonge suppose un calcul que l'expérience du mal peut seule suggérer. Mais laissons là cette question très compliquée et difficile à résoudre : la seule chose qui nous importe est de savoir que cette disposition, qu'elle soit naturelle ou acquise, peut être arrêtée dans son développement par une bonne éducation, comme elle peut être augmentée et favorisée par une éducation mauvaise ou maladroite. Qu'il me suffise donc de donner aux mères qui liront ces lignes quelques conseils simples et pratiques.
Réservez pour un mensonge bien prouvé vos plus grandes sévérités afin qu'il apparaisse aux enfants comme la plus vilaine de toutes les fautes.
Mais la répression, fouettée ou punition, gronderie même, n'est qu'un moyen secondaire d'éducation: voilà ce qu'on oublie trop souvent. Quand la répression est nécessaire, souvent il est trop tard, et quand le vice s'est manifesté dans le coeur de l'enfant et s'y est développé assez pour produire ses fruits, il est bien difficile de l'extirper. De plus la répression ne fait souvent qu'empêcher la manifestation du vice et ne l'atteint pas en lui-même. En tous cas, il vaut mieux prévenir le mal que d'avoir à le corriger.
Mais souvent, au lieu de prévenir le mensonge, on le fait naître chez les enfants, en mentant devant eux, en leur disant des choses qui ne sont pas vraies et dont ils découvriront un jour la fausseté. Prenez garde, en voulant faire peur à vos enfants, en voulant les contraindre à obéir, ou même en voulant corriger quelque autre défaut, de faire naître en eux l'idée de mensonge.
Faites plus: évitez autant que possible à l'enfant toute occasion de mentir; qu'il n'ait aucun avantage à vous mentir, qu'il n'en ait pas même la possibilité. L'occasion, dit-on, fait le larron: l'occasion fait aussi le menteur. Plus tard, l'avantage momantané et trompeur du mensonge pourra tenter vos enfants; mais, s'ils n'en ont pas pris tout petits l'habitude, le sentiment de l'honneur et l'amour de la vérité auront eu le temps de se développer en eux assez pour les préserver.
Mes enfants ne me mentent pas. Quelques-uns m'arrivent avec des habitudes de mensonge; mais, s'ils sont encore petits, ils les perdent vite. Le procédé que j'emploie est des plus simples : je ne les punis, je ne les gronde que pour des fautes où je les prends en flagrant délit; je ne les interroge jamais sur leur conduite quand je les soupçonne; je ne leur parle de leurs fautes que si je puis, avant de leur laisser le temps de dire non, leur montrer que je sais tout. Je leur montre toujours une confiance absolue dans leur parole; mais je m'arrange pour n' interroger que ceux que je sais ne pas être coupables ou que je connais assez pour être sûr qu'ils ne mentiront pas. Si je découvre une faute qu'un enfant n'a pas avouée, soit en faisant en dehors de lui ma petite enquête, soit tout naturellement, je lui parle très doucement et je lui montre que bien peu de choses restent cachées à mes yeux. S'il fait de lui-même des aveux, l'éloge que je fais de sa franchise domine toujours sur la réprimande que mérite sa faute. J'écarte ainsi des enfants toute tentation et toute occasion de me mentir.
Cette règle naturellement n'est pas assez forte quand les enfants sont déjà un peu grands; mais pour les petits, jusque vers l'âge de dix ans, elle est excellente. Ils auront toujours assez et trop de combats jusqu'au moment où leur raison sera puissamment éclairée et où les principes moraux et chrétiens se seront bien développés en eux.
En résumé, voici mon conseil : que les mères qui me liront ne le prennent pas pour un oracle, mais qu'elles y pensent, qu'elles en parlent entre elles et se forment elles-mêmes une opinion : Ne laissez pas voir à nos enfants que vous les soupçonnez; ne les interrogez pas, et ne les punissez ou ne les grondez que lorsque vous les prenez sur le fait.
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