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(2000)
A
laide!
Le portable sifflote à une heure inhabituelle; je me précipite.
La voix de mon fils aîné Philippe me parvient essoufflée:
« Je te téléphone de lhôpital,
Benoît vient de se casser un bras à ski. Le docteur
parle dune opération. Peux-tu venir tout de suite?
Il faut que je le quitte; je dois absolument aller chercher Baptiste
qui mattend chez la voisine.
Philippe et sa femme viennent de se séparer. Les enfants
habitent alternativement chez lun et lautre de leurs
parents et aujourdhui cest le week-end chez papa.
Je me précipite à lHôpital des Enfants
où Benoît, 14 ans, seul dans une grande salle vide,
mattend, installé devant la télévision.
Dès quil me voit, il éteint le poste et, très
agité, me raconte en détail les péripéties
de laccident jusquau moment où linfirmière
vient le chercher pour lemmener à la salle dopération.
Après lavoir accompagné à la porte de
la salle, je massieds dans le long corridor, envahie de sentiments
mélangés et contradictoires: linquiétude
pour ce qui va arriver à Benoît bien sûr, mais
aussi le soulagement de pouvoir être là, indispensable,
à ses côtés. Je pense aussi à sa mère,
absente dans un moment si important pour son fils; elle va le regretter,
je le sais.
Cest à moi que le médecin demandera des détails,
annoncera le résultat des radios. Je réalise alors
quil ne faut pas que joublie que je suis la grand-mère
de Benoît et non sa mère. La tentation existe pour
les grands-mères trop (très?) maternelles, ou pour
celles dont lagenda est plutôt vide, de sinstaller,
comme le coucou, dans une place inoccupée, à lépoque
où les relations familiales se compliquent.
Benoît a plus que jamais besoin de repères stables,
mais il a besoin aussi, je le sais, de beaucoup de sécurité
affective. Cest pourquoi la présence dune grand-mère
est si importante, à condition quelle puisse rester
discrète plutôt quenvahissante. Elle évitera
ainsi de futures déconvenues.
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