ARCHIVES
(2000)
Le
conseil dun père
Une amie américaine, plutôt laide et toujours mal habillée,
mais énergique et sûre delle, me transmet le
conseil que son père lui avait donné lorsquelle
était adolescente, il y a environ quarante ans. « Mieux
vaut être détestée quêtre ignorée. »
Voici, dans notre société où la beauté
est reine, la recommandation dun père pour aider sa
fille au visage ingrat à faire face à la vie.
Il aurait pu lui parler de lintelligence, de la générosité,
de la bonne humeur... Non, il affirme que le plus important est
de simposer, dattirer lattention, de ne pas passer
inaperçu, bref, dexister aux yeux des autres à
tout prix, car, dit-il, rien nest pire que lindifférence.
Une phrase de Victor Hugo évoque la même idée:
« être contesté, cest être constaté ».
Je minterroge sur ces recommandations. Avons-nous donc besoin
avant toute chose dêtre vus et entendus? Nos parents
nous disaient plutôt « ne te fais pas remarquer ».
Dune camarade de classe nous pensions avec mépris,
ou peut-être avec envie, « elle fait lintéressante ».
Et pourtant nous savons quil est terrible dêtre
ignoré, « transparent », et de se sentir
à lécart quand on se croit démuni des
qualités généralement appréciées
comme la beauté, lesprit ou la compétence.
Ce conseil provocateur était celui dun père
à sa fille, soucieux peut-être, dans un milieu traditionnel
du sud des Etats-Unis, de combattre lidée ancienne
que lhomme mène le jeu et que la femme doit être
soumise et effacée. Aurait-il jugé nécessaire
de donner le même conseil à un fils?
Je ne crois pas que le besoin de saffirmer justifie des attitudes
« détestables », mais nous devons encourager
nos enfants, les garçons comme les filles, à développer
leur personnalité, à se mettre en valeur sans fausse
modestie et à sexprimer avec assurance, sans craindre
la critique ou la désapprobation.
Retour
au sommaire 00
|