ARCHIVES (2000)

Les lecteurs ont la parole
Repas


Il va sans dire qu’avec quatre jeunes enfants, les repas pris en famille s’accompagnent de beaucoup d’agitation et de bruit. Tant que l’aîné était le seul à accaparer la parole (les autres ne parlant que très peu ou pas du tout encore), tout allait assez bien. Avec le papa, nous pouvions continuer à donner la becquée aux petits, ramasser le riz tombé par terre, tout en fixant notre esprit sur un seul discours. Tâche en soi suffisamment ardue, car il faut s’accrocher pour suivre, tant le grand frère a une imagination débordante.

Avec le temps, des difficultés nouvelles sont apparues: les frères jumeaux ont fait d’immenses progrès au niveau du langage et, à leur tour, ont commencé à revendiquer leur droit à la parole et à solliciter à qui mieux mieux notre attention exclusive. Là, j’avoue que j’ai vécu des moments extrêmement frustrants, harcelée par trois enfants parlant simultanément, qui avec des difficultés d’élocution, qui en criant pour se faire remarquer, qui en faisant référence à des choses pas évidentes à saisir pour des parents submergés.

En fin de compte, nous nous retrouvions tous fâchés: les enfants de ne pas avoir été écoutés et compris, mon mari et moi de devoir subir un brouhaha insupportable, sans pouvoir répondre convenablement au besoin légitime de chaque enfant d’être entendu. Epuisant!

Jusqu’au jour où un déclic s’est produit, me faisant endosser le rôle d’animatrice de débat télé. Le truc est simple et fonctionne à merveille et cela, depuis un bout de temps déjà. « Tu veux dire quelque chose? Attends, c’est ton frère qui parle!... A toi, maintenant! ». Je suis moi-même étonnée de voir à quel point cela marche bien. Les enfants acceptent volontiers d’attendre leur tour, le niveau sonore de nos repas est redevenu acceptable, nous nous sentons moins dépassés par les événements et l’aîné ne nous dit presque jamais: «  Qu’est-ce je viens de dire? Répète! Tu ne suis pas. De toute façon, tu t’en fiches! ».
Alors, nous attendons avec impatience et sérénité que la petite dernière se joigne au concerto familial.

Diana

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