ARCHIVES (2002)

Les petits fiancés

Quand ma fille avait 3 ans, je me rendais régulièrement chez nos voisins qui avaient un enfant du même âge, un garçon.
Les enfants s’entendaient bien et les après-midis s’écoulaient agréablement. Au bout de quelques rencontres, il a bien fallu que l’un des parents s’exclame à l’intention de ma fille: « Tu t’entends bien avec Yvan. C’est ton petit fiancé, hein? ».
Sans que les enfants en aient fait la demande, le monde des adultes pénétrait d’un coup dans le leur. Et bien non, ils ne pensaient pas à ça. Les petits jouaient et s’amusaient. Ils apprenaient tranquillement et parfois conflictuellement les relations humaines en général, mais ne s’aventuraient pas encore dans celles particulières et mystérieuses que sont les relations amoureuses.
Ces petites phrases, dites une fois, n’ont pas beaucoup d’importance, mais souvent, ces « faiseurs de couple » insistent sans répit et sévissent à tout âge de l’enfant.
Plus tard, on leur demande très souvent: « De qui t’es l’amoureux-se? ». Mon fils (9 ans) déteste quand je lui pose cette question. Je le comprends, mais parfois je n’arrive pas à m’en empêcher. J’aimerais me rassurer, savoir que cela lui arrive d’éprouver des sentiments affectueux autres que ceux passionnels pour ses jeux typiquement garçon. Je vois que certains de ses copains en parlent, ou que les filles commencent plus tôt.
Il existe pourtant d’autres manières de se rassurer. Je m’aperçois que dans bien des situations, mon fils est attentif aux autres et très chaleureux.
Le thème de l’amour est délicat, nous ne devrions pas en jouer à la légère. Mais il est difficile pour nous adultes de nous empêcher de transposer nos critères dans l’univers des enfants.
Un jour, un père me parle fièrement de sa fille de 14 ans: « Tu verras quand tu la rencontreras: c’est un vrai canon! ». S’il lui arrive de s’exprimer ainsi devant sa fille, je me demande si elle ne se sent pas obligée de coller à cette image pour lui faire plaisir. Sans parler du fait que cet « éloge » ne glorifie que le « paraître ».
Laissons les enfants là où ils sont et n’allons pas trop vite! Ma fille n’avait que 3 ans. Adolescente, elle aurait pu lui répondre: « T’as rien compris, ça n’a aucun rapport! Mêle-toi de ce qui te regarde et vis ta vie! ».

Julie

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