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Le
rêve des uns...
Jeunes mariés, ils n'ont pas les moyens mais y pensent très
fort. A quoi? A comme ça serait chouette de se construire
une petite maison avec un jardin autour. Pour qui? Pour les petits
bien sûr, qu'ils auront un jour prochain. Va juste falloir
économiser ferme! En fait, les petits en question ne tardent
pas à venir, et le peu de sous mis de côté pour
ladite maison et son jardin ne sont plus qu'un souvenir.
Mais rebelote, très vite le couple engrange, car le rêve
devient une obsession: tu les imagines s'ébattant sous l'ombre
d'un arbre fruitier rien qu'à nous, tu réalises si,
au lieu d'être coincés dans ce logement étouffant,
nous pouvions avant dîner aller cueillir toute fraîche
notre propre salade dans notre petit potager? Ahhh, le rêve!
Les années passent et à force de travail, de privations
et de persévérance, le couple arrive à épargner
une bonne partie de ce qui est nécessaire en vue d'implanter
leur voeu le plus cher sur une modeste parcelle. Certes éloignée,
la parcelle, au fin fond du canton même, mais enfin pas trop
chère.
Cette première étape franchie, la maison se dessine
sous leurs paupières, elle aura deux salles de bains et quatre
chambres afin que tous puissent bénéficier d'un espace
personnalisé, une cuisine spacieuse et un coin cheminée!
Oh oooouiiii, et une terrasse avec barbecue! L'architecte, choisi
pour son style différent, voit les choses en grand. Les plans
sont renversants, le devis aussi. Avec persuasion, le génial
créateur leur fait miroiter, images à trois dimensions
à l'appui, l'extraordinaire demeure qui ne demande qu'à
être à eux.
C'est vrai, c'est un projet qui dépasse chimériquement
et financièrement leurs désirs, mais Dieu qu'il ferait
bon y vivre. "Arrêter de rêver petit! s'écrie
l'architecte, pourquoi renoncer à ce qui vous fait tant plaisir?
L'argent? Mais une hypothèque ça s'adapte, c'est même
fait pour ça, voyons!". Et plouf, sous le regard affolé
des grands-parents qui ont vécu une vie sobre et discrète,
le couple plonge dans l'aventure. Au diable tous les conseils de
prudence, voyez tout ce temps perdu en hésitations alors
que les enfants abordent déjà l'adolescence! En avant
toute, affirment-ils convaincus, nous n'avons que trop attendu.
L'étape "construction"
dure. Dure beaucoup plus longtemps que prévu, car si les
plans sont clairs et précis, l'entrepreneur, lui, ne semble
guère l'être par rapport à l'échéance
du chantier. De mois en mois, de saisons en saisons, les frais se
rallongent et les travaux avancent à la vitesse des factures
payées, c'est-à-dire pas très régulièrement
au vu des dépassements.
Lorsque les parents se sont enfin permis de pendre la crémaillère,
leurs deux garçons avaient du poil au menton, soif d'indépendance
et une seule envie: vivre dans un lieu" fun", genre squat
ou sous quelques toits mansardés, au parquet grinçant
et aux murs lézardés, qu'importe, mais par pitié
en pleine ville, près des copains et de tout le reste et
par là même, loin du regard contrôlant de papa-maman.
Le rêve des uns n'est pas forcement celui des autres. Pas
même des siens. C'est ainsi: un nid, fut-il le plus beau,
a pour vocation de se vider. Il faut avoir la sagesse de le prévoir
et surtout de l'accepter. Quant à l'arbre fruitier, gageons
que son ombre protégera un jour les ébats de la prochaine
génération.
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