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Une
place assise
Un géant à la chevelure verte, collier de perles en
bois et brochette dhameçons à loreille,
environ 15 ans, vient dun déhanchement désinvolte
de me « faucher » la dernière place
libre dans lautobus.
Pendue de la main droite à la poignée de plastique,
un gros paquet me battant les mollets, je le fixe, furieuse. Il
est visiblement ailleurs; un petit écouteur enfoncé
dans chaque oreille, il branle rythmiquement la tête, les
yeux à demi-clos.
Je minterroge. Peut-être que je nai pas encore
tout à fait lair dune mémé... Soulagement
de courte durée, je suis une mémé et je suis
éreintée.
Mes yeux se posent à nouveau sur la chevelure verte et jimagine
ce garçon quand il était un petit enfant, attendrissant,
amoureux de sa maman, confortablement installé sur ses genoux,
commentant de sa petite voix claire ce quil voit par la fenêtre.
Puis jimagine sa maman, aujourdhui, désemparée;
elle ne comprend pas ce qui sest passé. Tout est remis
en question...
Ce délicieux petit garçon est devenu un grand adolescent
sale, vulgaire, impoli. Il ne lécoute plus, ne la voit
même pas. Il se vautre dans les fauteuils, passe le plus clair
de son temps devant la télé ou au téléphone.
Il est agressif avec son père. Qua-t-elle fait de travers?
Il semble que cétait hier quil était serviable,
coopératif, sportif, bon élève
Une
secousse du bus me ramène brusquement dans la réalité.
Que dois-je faire? Je vois plusieurs possibilités. Dire:
« Ah! Vous êtes tous les mêmes, pas un seul
ne donne sa place! » ou bien « A ton âge,
on donne sa place aux gens plus âgés (et je prends
les voyageurs à témoin)! ».
Mais, ô surprise, je mentends dire dune voix douce:
« Tu sais, je suis fatiguée, veux-tu me donner
ta place, sil te plaît? ». Miracle! La place
se libère presque instantanément, nos yeux se croisent
et je crois même avoir aperçu sous la broussaille verte
quelque chose qui ressemble à un sourire.
Grand-maman
Communauté romande des Ecoles de parents
Groupe Média
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