ARCHIVES
(1992)
Pour
papa
de la part d'une petite fille de quarante ans
Je
suis bien avec toi!... Ta présence me protège. Tu
es fort. Ta main est grande et chaude. Tu ne parles pas. Mais tu
es là. Nous passons sur une sorte de chariot-calèche
dans les rues de Bienne. ville de mon enfance...
Ces rues me rappellent des samedis matin où tu m'emmenais
faire les courses au marché, boire un petit sirop et ensuite
visiter les canards au bord de la "Suze". Ces rues me
rappellent aussi des cortèges avec ces horribles tambours
qui me faisaient une telle peur que je partais en courant à
travers les jambes de toutes les grandes personnes. Tu me cherchais,
me trouvais et me prenais dans tes bras.
Ces rues où je me promenais seule plus tard, fâchée,
révoltée, à la quête d'un amour, d'un
autre homme dans ma vie. On ne se parlait plus, ou seulement à
travers maman. Je te contestais et je faisais ce que je voulais.
Je sortais plusieurs soirs de la semaine. Je rentrais tard. Je n'étudiais
pas assez. Je te décevais. Je me libérais. Je coupais
le cordon entre nous et ca nous faisait mal à tous les deux.
Plus tard encore, après une longue période passée
à l'étranger et un échange de lettres fructueux,
nous avons eu des moments de bonheur. J'avais compris que tu étais
toujours là pour moi dans les moments difficiles et que tu
avais arrangé plus d'une fois les bêtises que j'avais
faites. Est-ce que là je t'ai montré mon amour ?
Je serre ta main très fortement. Je ne peux pas parler. Les
idées se mélangent dans ma tête. Comment cela
se fait-il que tu sois là ? J'essaye de me rappeler
ton âge. Tu n'as pas vieilli, tu sais !
Plus je me pose de questions, plus tu t'éloignes de moi.
..et tu disparais.
Je me réveille. Les larmes coulent. Je me sens toute petite.
Cela fait treize ans, presque jour pour jour, que tu nous a quittés.
Merci de revenir de temps en temps pour tenir ma main.
Silvia
Ehrensperger-Kocher
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