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(1993)
Prendre
et donner
Que
fait-on le plus souvent dans une journée, dans une vie? Manger?
Boire? Dormir? Parler? Travailler? Mais non, c'est prendre et donner,
bien sûr!
Quand on boit, mange ou dort, on prend, ne serait-ce que des forces
ou du repos. Quand on parle, on prend la parole, mais on donne aussi…
son avis. Et de même pour le travail, on se donne de la peine,
on prend des idées, de l'intérêt voire du plaisir
et avec un peu de chance, on donne des résultats.
Il n'y a pas à tortiller, le mouvement même de la vie
est de prendre et de donner. On entre dans ce mouvement en même
temps que dans la vie, ne serait-ce qu'en respirant. Comment apprendre
sans prendre? Comment comprendre sans donner?
Les observateurs extérieurs ont tendance à croire
par exemple que les enfants petits prennent plus qu'ils ne donnent.
C'est vrai: ils prennent des biberons, ils prennent des bains, ils
prennent du temps et de l'énergie à leurs parents.
Mais ils donnent tellement aussi: ils donnent des joies, de la tendresse
(de l'inquiétude aussi parfois) et ils donnent surtout tant
d'occasions inestimables de... donner! Sans vouloir jouer sur les
mots, est-ce que savoir prendre ne serait pas au fond une discrète
mais généreuse manière de donner?
Eh oui, prendre et donner sont comme les deux pôles de la
même énergie, et bien malin celui qui saurait dire
lequel est le plus précieux des deux. Bien malin aussi celui
qui saurait discerner au creux d'une relation celui qui donne et
celui qui prend. Ce n'est ni un but ni une obligation, c'est l'essence
même, la respiration naturelle de toute relation.
Marie-Agnès
Gaudrat, Pomme d'Api
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