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(1993)
L'équilibre
des forces
En
matière de sport, chez l'enfant, l'épanouissement
devrait passer avant la course aux médailles.
Le petit écran s'anime d'une voix tonique. "Quelle agilité,
quelle puissance!"l Pendant que le commentateur sportif s'extasie,
la caméra caresse la musculature en saillie puis accompagne
les gestes souples et précis du grimpeur. "Super, s'enthousiasme
Xavier! Au passeport-vacances j'essayerai l'escalade." La moue
de Jérôme en dit long: "Très peu pour moi,
je suis trop lourd et trop peureux." La télévision
vient de révéler à Jérôme un idéal
qu'il ne pourra jamais atteindre. Peut-être aurait-elle aussi
dû lui montrer l'ancien toxico faisant ses premiers pas sur
un mur de grimpe, la jeune fille rondelette pratiquant la gymnastique
artistique ou le handicapé mental heureux de monter à
cheval.
Au
bout de la corde
Hélas le sport ne revêt, dans les médias, que
l'habit de champion décoré d'une médaille.
La notion même de sport se réduit le plus souvent aux
termes de force, beauté et succès. Le sport ne procure
cependant pas seulement de beaux muscles et des lauriers. Il influe
sur le développement du comportement social et affectif.
Il apprend à s'accommoder d'un monde fait de changements,
d'agressions et de frustrations. Voilà pourquoi il ne faut
pas coller des titres de champions suisses à des gosses de
dix ans ou organiser des combats de lutte sous forme d'éliminatoires.
Jusqu'à quatorze ans, on doit leur offrir la possibilité
d'apprendre et de faire des expériences. Sans pour autant
abolir la recherche de la performance. L'enfant la réclame.
Il veut s'améliorer, mais il a le droit de ne pas être
un champion.
Par exemple, à l'école sédunoise Alpirama,
il n'est pas question d'être le plus fort, mais d'être
fort. Tout un programme! Des garçons et des filles se mesurent
et se rodent aux difficultés de la varappe sportive et de
l'alpinisme. Ils apprennent, pas à pas, à connaître
leur corps et sa mobilité dans l'espace, à acquérir
souplesse, équilibre et force. Mais aussi à prendre
conscience des dangers, à avoir confiance en ses propres
capacités et à coopérer. Chaque enfant est
différent, l'un téméraire, l'autre craintif.
Les varappeurs en herbe apprennent que chaque geste aura telle conséquence
à chaque mouvement. On recommence jusqu'à ce que le
pas soit réussi. La peur, un bon baromètre: elle permet
de ne pas accomplir d'actes insensés, elle apprend à
être humble et à ne pas tricher. On la maîtrise
par la connaissance. La corde, symbole de la camaraderie et de l'entraide,
transmet le sens des responsabilités et tord le cou à
l'individualisme.
Sport
et choix
Faut-il forcément orienter l'enfant timide vers le judo?
Il Non, il aura peut-être besoin d'un sport collectif. L'important
n'est pas tellement de mener l'enfant vers le sport, en fonction
de sa personnalité, mais plutôt de lui permettre de
réaliser une série d'expériences différentes.
C'est-à-dire de toucher à beaucoup de sports. Idéologie
nouvelle, qui fait passer l'enfant avant le résultat.
Pierrette
Weissbrot, adapté par F. G.
Construire No 29, 1992
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