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(1993)
La
randonnée
Lorsque
j'ai téléphoné à ma fille pour savoir
comment s'était passée la randonnée à
ski, j'avais le cur qui battait. Curieuse, impatiente, mais
aussi anxieuse, je fus soulagée d'entendre sa voix gaie et
décidée qui me répondait: "C'était
génial! Je repars l'année prochaine, et tu sais, la
montagne c'est ce qu'il y a de plus beau au monde!"
Elle était partie un matin avant Pâques croulant sous
un sac à dos de dix kilos d'où pendaient crampons,
crochets, mousqueton et une corde soigneusement pliée. Ma
fille, un petit bout de femme d'un mètre cinquante-cinq et
âgée alors de quinze ans, la cadette du groupe, partait
pour la première fois quatre jours faire quelques sommets
des Alpes bernoises. Des "mecs", comme elle disait, d'au
moins un mètre quatre-vingt aux cheveux longs et oreilles
percées (pas précisément le profil du sportif
jeune et bronzé) et une amie d'une taille impressionnante
ainsi que trois moniteurs formaient cette équipe qui allait
vivre ensemble une belle expérience d'endurance et de découvertes.
Rester ensemble, s'encorder, se respecter, s'encourager les uns
les autres lorsqu'on est perdu pendant trois heures sur un glacier
dans le brouillard, essayer de se réchauffer dans une cabane
vétuste, manger une soupe fadasse, et surtout jouer au jass
avec un mauvais perdant, voilà les souvenirs qui font briller
ses yeux lorsqu'elle nous raconte sa randonnée.
Bien sûr, c'est une sportive, mais pas de compétition,
seulement entraînée sur les pistes par son père
dès le plus jeune âge pour découvrir les joies
du ski. Elle aime la neige, la poudreuse, les bosses, elle a du
plaisir à faire bouger son corps sur ses lattes, à
skier avec les copains, mais elle sait aussi apprécier l'effort
d'une longue montée à peau de phoque ou s'arrêter
de temps en temps pour admirer autour d'elle un paysage magnifique,
un coucher de soleil sur des sommets enneigés. Elle a même
pris goût au silence qu'offrent les pentes d'une blancheur
scintillante et les étendues vierges, loin des installations
et des foules.
Que faut-il de plus à un adolescent pour retrouver son équilibre
physique et psychique dans un monde si étourdissant?
Françoise
Grondahl
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