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(1993)
Mères
coupables ?
Quand
elles restent à la maison pour élever leurs enfants
et qu'elles éprouvent des sentiments de ras-Ie-bol ou d'épuisement,
elles se sentent coupables. Lorsqu'elles travaillent et qu'elles
confient leur progéniture à d'autres pendant une partie
de la journée, elles se sentent coupables. Elles ont l'impression
d'en faire trop, ou pas assez. De se laisser bouffer. De ne pas
être de bonnes mères. Leurs enfants, bien sûr
qu'elles les aiment! Mais comment être sûre de les aimer
"bien" ?
Dans son livre "Le mythe de la mauvaise mère" (Ed.
R. Laffont), Jane Swigart analyse le rôle maternel. Il
faut en finir, estime-t-elle avec le mythe de la mauvaise mère
comme avec celui de la mère parfaite. C'est en connaissant
ses limites et son propre fonctionnement face aux obstacles de la
maternité qu'on peut donner le meilleur aux enfants.
La
mère "tiraillée"
Le pire pour une mère est de se trouver tiraillée
entre les besoins de l'enfant et ses propres besoins. Culpabilisée,
elle l'est d'autant plus que ce dilemme vécu au jour le jour
est rarement reconnu par les gens qui l'entourent. Elle est la mère
? Elle l'a voulu, après tout. Elle travaille ? Qu'elle assume.
Elle ne travaille pas ? Alors qu'elle ne fasse pas tout un plat
de ses difficultés; les autres y arrivent bien! Voilà
pourquoi bien des mères préfèrent se taire
et souffrir en silence, faisant subir indirectement à leurs
enfants leurs frustrations. Avec le risque de les négliger
ou au contraire de les harceler, d'être trop ou pas assez
permissive.
La
mère face à son enfance
Si certaines mères ont des difficultés à exercer
leur rôle de mère, ce n'est pas seulement à
cause de l'attention et du temps qu'elles doivent consacrer aux
enfants, du nombre insuffisant de crèches, ou encore du peu
de compréhension qu'elles rencontrent dans la société
et sur leur lieu de travail. Une des particularités de la
maternité, c'est qu'elle renvoie la femme à sa propre
enfance, à ses relations avec ses parents, bref à
tous ses problèmes non résolus.
Une mère qui réussit sa relation avec ses enfants
est une femme qui a trouvé son équilibre en surmontant
les difficultés du passé. Elle accepte ses contradictions,
sait reconnaître et réparer ses erreurs. Pour y parvenir
cela demande un travail sur soi-même que Jane Swigart invite
chacune à accomplir.
Pourquoi cette mère est-elle si exigeante avec sa fille,
censée être brillante à l'école et petite
fille modèle à la maison ? Parce qu'elle compte sur
elle, inconsciemment, pour réussir ce qu'elle-même
n'a pas été en mesure d'accomplir.
Telle autre femme avoue que lorsqu'elle s'occupait de son bébé,
elle sentait une frustration intolérable qui lui rappelait
qu'elle avait souffert de la froideur de sa propre mère.
En ayant des enfants, certaines femmes essaient aussi de trouver
dans la maternité l'amour et la sollicitude qu'elles n'ont
jamais reçus de leur propre mère. "Quand j'aurai
un bébé, j'aurai quelqu'un qui m'aime vraiment"
disait cette future mère qui cherchait des compensations
affectives.
Ces femmes qui surinvestissent dans la maternité vont au-devant
de graves déceptions: lorsque leur enfant grandit et manifeste
son opposition, elles se sentent rejetées, trahies, et font
tout pour empêcher son indépendance. Ce qui crée
de sérieuses difficultés à l'enfant, obligé
de choisir entre la soumission et la "trahison".
"Bonne"
mère, "mauvaise" mère !
Il est rare cependant que l'enfant ne devienne pas à un moment
donné l'outil des désirs de ses parents. Mais le mythe
de la mauvaise mère voudrait nous faire croire que ce sont
seulement les mauvaises mères qui agissent ainsi. Le cinéma,
la littérature, la télévision ont montré
des mères tantôt généreuses et aimantes,
tantôt égoïstes et destructrices. De là
cette conviction néfaste et répandue qu'une bonne
mère n'a jamais de moments difficiles, et qu'une mauvaise
mère est irrécupérable; que les parents sont
bons ou mauvais une fois pour toutes, et que le mal causé
à un enfant est irrémédiable.
Or, si l'on assume ses erreurs, si l'on a le courage d'accepter
son angoisse ou sa culpabilité, on trouvera aussi la force
de changer.
Chacun, homme ou femme, peut à l'occasion faire du mal à
ses enfants. Mais ce mal est susceptible d'être réparé.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire. En mettant le doigt sur
ce qui ne va pas, les parents peuvent agir pour modifier la situation.
Les études réalisées sur ce point depuis une
quinzaine d'années le montrent: un enfant a toutes les chances
de surmonter les pertes, les traumatismes et les restrictions subis
pendant ses premières années. Pour autant que, suite
à la prise de conscience de ses parents, ses conditions de
vie s'améliorent.
Marlyse
Tschui "Femina"
Texte choisi et adapté par F.P.
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