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(1993)
Au
fil de notre mémoire
Jouets antiques?
Dans
lantiquité, les amusements des petits Grecs et Romains
ne différaient guère de ceux daujourdhui.
Certains symbolisaient très fortement lappartenance
de lenfant à son sexe et à sa classe dâge.
Grâce à létude iconographique des représentations
figurées sur les sépultures denfants, grâce
aussi aux objets retrouvés à lintérieur
des tombeaux, nous pouvons savoir aujourdhui quels étaient
les jeux des enfants dans lantiquité. Ces témoignages
directs complètent heureusement les descriptions littéraires
et les témoignages des inscriptions funéraires; le
recoupement des indices fournis par ces différentes sources
permet de se faire une image assez précise dun univers
ludique qui nest pas sans offrir de multiples ressemblances
avec les amusements daujourdhui.
Il sagissait tout dabord déveiller et de
capter lattention des tout petits en agitant devant eux des
crécelles ou des figurines remplies de cailloux. Les hochets
mis à jour lors de fouilles archéologiques ressemblent
fort à ceux décrits dans nos manuels classiques de
puériculture contemporaine. Un peu plus tard, lorsque lenfant
était à même de se tenir debout, il tirait derrière
lui des animaux en bois ou en terre montés sur roulettes,
puis il attelait les souris ou des poneys à des chariots
en miniature.
Lorsquil samusait avec les autres, un roseau ou un camarade
devenaient vite une monture idéale et cétait
alors le temps des galopades à la poursuite dune balle
remplie de poils, de plumes ou de sable, dune toupie en buis,
dun cerceau muni danneaux ou de clochettes, joliment
qualifié de «babillard» par le poète Martial.
Au repos, on jouait à «pair-impair» ou à
«pile ou face». Les amusements des petits Romains étaient
très proches de ceux des petits Grecs: élevés
souvent par des nourrices grecques ou entourés desclaves
de la même origine, les bambins de Rome nignoraient
rien de la façon hellène de samuser.
Lorsquà 7 ans, le mode déducation changeait
et se caractérisait par une différenciation sexuelle,
deux jouets distincts accompagnaient garçons et filles jusquà
ladolescence. Certes, beaucoup de jeux se pratiquaient encore
en commun et il arrivait très certainement aux frères
et soeurs déchanger leurs objets favoris. Mais jusquau
mariage, la poupée servait demblème à
la jeune fille (puella ou virgo). Bébés mous en chiffon,
petites demoiselles nues ou habillées en terre cuite ou en
cire colorée, poupées articulées en terre,
en bois, en os ou en ivoire ont été retrouvées
en nombre dans les tombes. Lorsque les filles sortaient de lenfance,
à la veille de leur mariage, elles offraient leurs poupées
à Junon, mère des dieux et divinité du mariage,
ou à Vénus, déesse de lamour, manifestant
par là quelles abandonnaient le monde du jeu.
Le jeu de noix, aux multiples variantes qui rappellent nos jeux
de billes, caractérisait la pueritia des garçons entre
7 et 17 ans. Le poète Ovide, prêtant voix à
un pauvre noyer fatigué dêtre gaulé par
tous les passants, énumère quelques-unes des possibilités
offertes par ces fruits: visée, adresse et hasard se combinaient
ainsi au gré de limagination enfantine. «Abandonner
les noix», quil jetait symboliquement le long de son
cortège nuptial comme dantiques dragées, signifiait
que le jeune homme quittait lenfance. Cette association symbolique
dun amusement donné et dune période de
la vie était dailleurs tellement forte que dans toute
liconographie le jeu de noix figure toujours la même
tranche dâge.
Chantal Renevey Fry in «Lécole publique genevoise»
No 5/1993
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