ARCHIVES (1994)

FAMILLE: Quelle place pour l’enfant?

Il a beau se donner de la peine et essayer de discerner ce que ses parents attendent exactement de lui, Jean-Marie reste perplexe.
A tous moments, il entend: “Sois gentil. Ne parle pas la bouche pleine. Dis à grand-père comme son cadeau te fait plaisir. Ne boude pas quand ta petite soeur défait ta construction de légos. Joue donc, ne reste pas là, replié sur toi-même!”
D’autres fois, c’est tout différent: “Sois naturel. Exprime-toi. Dis ce que tu penses. Fais preuve d’initiatives. Affirme-toi!”
Il voudrait bien. Il voudrait surtout savoir comment se comporter pour répondre à l’attente de ses parents. Il a l’impression qu’on lui dicte chacune de ses réactions. Tout en le suppliant de se montrer naturel et de faire preuve de sincérité.
Quel embarras dans ce petit crâne! Le naturel, la sincérité, lui, il ne demanderait pas mieux. Ce serait tellement plus simple et moins fatigant! Mais il perçoit clairement que s’il disait ce qu’il pense ou faisait ce qui lui convient, il ne donnerait guère satisfaction.
Alors, où est-ce que ça cloche?
Des deux côtés probablement. Jean-Marie est émotif, vite ébranlé par les situations décevantes; il supporte mal la plus petite désapprobation. C’est pourquoi il recherche par dessus tout à rester en accord avec les adultes. L’ennui, c’est qu’il a affaire à des parents qui attendent de lui des exercices d’acrobatie irréalisables. Ils voudraient que cet enfant se conforme au modèle qui leur conviendrait, à eux, et en même temps qu’il prenne conscience de ce qui constitue sa propre personnalité. La quadrature du cercle en somme.
Pour sortir de l’impasse, il faudra probablement que Jean-Marie aussi bien que ses parents admettent que les situations idéales n’existent pas. Les braves petits garçons qui font plaisir aux adultes du matin au soir, 365 jours par an, ça n’existe pas. Ou bien, ce sont des robots. Les enfants vivants qui ont confiance en eux-mêmes, ce sont ceux qui ont la possibilité d’essayer leurs forces pour prendre la mesure de leurs capacités personnelles. Avec le risque de déplaire et de décevoir, ça c’est sûr. Mais le risque ne fait-il pas partie de la vie?

Marguerite Loutan

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