ARCHIVES (1994)

Une FAMILLE à l’hôpital

Il est à peine sept heures du matin et nous roulons vers l’hôpital, car notre fille de 11 ans doit y subir une intervention chirurgicale. Ses yeux sont encore tout endormis, et assise à l’arrière de la voiture avec elle, je la vois serrer son lapin à gros pois bleus contre elle.
Aussitôt arrivés, nous nous présentons à la réception où l’on nous attend, et nous montons au premier pour y trouver la chambre de Sophie. Les couloirs sont propres et brillants, tout est calme et quelques infirmières y déambulent à pas feutrés et nous sourient. L’une d’entre elles ouvre la porte de la chambre réservée à notre fille et désigne un petit lit à barreaux parmi d’autres lits où dorment deux petits garçons. Surpris, nous nous regardons mon mari, Sophie, l’infirmière et moi et comprenons bien vite qu’il y a certainement eu méprise sur l’âge de la patiente! On a dû confondre les dates et Sophie trouve cela plutôt amusant, quant à moi je reste un peu étonnée. Vite l’infirmière de service trouve un lit à sa taille dans une autre chambre qu’elle partagera avec Valérie, une jeune fille de 15 ans dont la jambe droite est enveloppée d’un énorme plâtre.
Le rituel des préparatifs commence: on range les vêtements dans l’armoire, Sophie enfile la chemise de nuit blanche de l’hôpital et on lui met un bracelet autour du poignet avec son nom, comme lors de sa naissance. Je vérifie l’inscription au cas où! Une nouvelle infirmière lui prend la tension et la température, puis lui fait une piqûre calmante tout en lui expliquant doucement le pourquoi et le comment de ces préparatifs. Sophie est calme, nous avons le temps d’écouter de la musique, de regarder un peu la télévision et de parler avec sa voisine.
Bientôt, sa tête et ses paupières deviennent lourdes et son visage a un peu pâli. Nous nous tenons la main et de temps en temps elle nous demande l’heure. On lui a dit que vers 9 heures et quart on l’emmènerait à la salle d’opération et il nous faut combler cette attente. En effet tout se passe comme prévu et deux infirmières roulent son lit vers l’ascenseur. Un dernier baiser, une dernière pression de la main, un dernier sourire, un dernier regard, Sophie fait la grimace, et les portes se referment.
C’est à ce moment-là que je laisse sortir mon angoisse et ma nervosité. Je cherche à prendre l’air, j’ai besoin de marcher. Ce n’est qu’une petite intervention qui l’attend, une demi-heure sur la table d’opération et pourtant... Mon mari est très calme, il a faim, nous prendrons notre petit-déjeuner à la cafétéria. Alors j’aperçois un jeune garçon qui se promène avec une perfusion, en robe de chambre, le crâne lisse, de grands yeux dans un visage émacié et je me demande: comment font-ils ses parents à lui, où trouvent-ils les forces et le courage pour supporter sa maladie et les nombreux traitements? Et lui, comment fait-il? Je les admire et les respecte profondément.
Vers 10 heures et demie, je vois un lit qui sort de l’ascenseur, c’est Sophie. Je me précipite et dit son nom tout doucement. Déjà réveillée, mais encore absente, elle dit “maman” sans me regarder et sourit.

Une maman

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