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(1994)
Papa, on y va?
- Papa, on y va? demande la petite en posant
sa main hésitante sur celle de son père.
- Oui, oui, on va s’en aller, répond-il distraitement
avant de reprendre la conversation avec les copains et la parenté.
Ils sont là une demi-douzaine d’adultes rassemblés
au pied du lit de la mère hospitalisée. Le temps passe
si vite! Ils ont tant d’histoires à se raconter! Cette
rencontre autour de la malade, c’est une aubaine quand on aime
s’exprimer et fraterniser.
Aussi, les échanges, discrets au début de la visite,
augmentent-ils de volume de minute en minute. Au point d’atteindre
le niveau d’exubérance d’une véritable fête
de famille. La malade déplace sa tête sur l’oreiller
avec l’espoir que l’un de ses visiteurs va peut-être
s’adresser à elle. Ils sont gentils. Elle les aime tous.
Elle est touchée qu’ils soient venus la trouver. Mais
ce bruit et ces éclats de rire la fatiguent à la longue.
Dans ce brouhaha, c’est un sentiment d’isolement qui finit
par l’envahir.
Comme la fillette qui croyait être venue trouver sa mère.
En réalité, elle a pu juste l’embrasser en arrivant
et recevoir un câlin fugitif. Après, la conversation
des visiteurs a envahi tout l’espace.
Elle a beau être une brave petite, patiente et peu exigeante,
elle trouve le temps long. Elle se sent comme abandonnée.
Pourtant, elle ne se décourage pas. Tous les quarts d’heure,
elle répète poliment sa question: “Papa, on y
va?”
Marguerite Loutan
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