ARCHIVES (1994)

Le sport, conquête de l’inutile?

De tout temps, l’homme a aimé pratiquer jeux et sports multiples. Chez les primitifs, l’élément religieux et culturel est dominant. Chez nous, aujourd’hui, les sportifs sont-ils tous des conquérants de l’inutile? L’alpiniste regagne la plaine aussitôt après avoir atteint le sommet, d’autres rattrapent et relancent sans fin une balle avec une raquette ou courent derrière un ballon sur un terrain exigu.

Inutile, donc?
Pourtant, la personnalité du petit enfant s’édifie notamment au travers de la mobilité. N’oublions pas que nous nous sommes développés par nos activités sensorielles, nos perceptions sans cesse réajustées, nos déplacements, nos jeux.
Le jeu et le sport favorisent également la socialisation de la personne. Chacun adapte son comportement à celui de ses équipiers, qu’il soit au sein d’un club de basket-ball, d’un équipage de voilier, d’une cordée de varappe ou d’une palanquée de plongée sous-marine. L’affrontement amical et gratuit des adversaires est un enrichissement pour tous: affirmation de soi, agressivité contrôlée, frustration consentie, acceptation de l’autre tel qu’il est, épanouissement de la communication.
Le jeune a une capacité de récupération qui ne cessera d’étonner. Quel parent n’a, par exemple, jamais éprouvé de sérieuses difficultés à entraîner (sinon traîner!) un enfant jusqu’au terme d’une randonnée, pour le voir subitement entreprendre avec enthousiasme une folle activité nouvelle?
L’adolescent déborde d’énergie et bouillonne d’imagination. Il aime se vaincre en dominant l’obstacle. Il a besoin de s’éprouver dans le risque défié. Les sports de plein air sont merveilleux à cet égard. Il va de soi que l’éducateur ou le moniteur doit s’entourer de toutes les précautions voulues pour réduire à néant les risques objectifs. L’adolescent vivra néanmoins des risques subjectifs très prononcés en franchissant une rivière sur un pont de cordes, en escaladant une paroi, en jouant dans des rapides en canoë, en explorant des fonds sous-marins ou des grottes.
Adopter à chaque instant l’attitude adéquate en fonction des mouvements du terrain et du jeu du partenaire impose de constants changements de décisions, améliore les réflexes, développe la créativité, l’esprit d’initiative et le sens des responsabilités.
Les activités sportives sont si nombreuses et multiples qu’il en existe pour satisfaire les motivations et les inclinations affectives de chacun. Il y a ceux qui s’entraînent dans une technique perfectionnée, faite d’exigences précises et d’efforts constants pour obtenir une parfaite maîtrise (compétition en volley-ball, tir à l’arc, aviron, slalom, etc.) et ceux qui s’abandonnent à un doux sport de détente, sans esprit de lutte contre un adversaire ou contre soi-même, qui procure une autre joie (longues promenades en moyenne montagne ou à cheval, canoë sur rivière facile, bateau à rame, tranquille randonnée à ski de fond, etc.).

Que dire de la compétition?
Celle qui vise des records à battre, des médailles à gagner, des podiums à gravir peut revêtir un caractère dangereux à plus d’un titre. Nous lui préférons de loin la compétition au sens d’une confrontation avec l’autre, d’un affrontement de l’obstacle, d’un dépassement de soi, d’un effort gratuit. Consentir à la défaite, sans colère ni désespoir, forme aussi le caractère.
En bref, le sport et le jeu constituent un remarquable apprentissage d’une meilleure qualité de vie. Ils maintiennent une bonne santé morale, mentale et physique. Enfin, ils favorisent le développement harmonieux de la personnalité.

André Dunant
Président du Tribunal de la jeunesse

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