ARCHIVES (1994)

Les billes

Les cours de récréation sont régulièrement envahies par des modes. Celles des mots: tout devient “cool”, “super” ou “hallucine” et celles des jeux: les scoubidous, l’élastique et, actuellement chez mes enfants, les billes.
Ce jeu aux apparences calmes est un excellent reflet des relations entre les hommes, ainsi que de leur caractère.
Les billes étaient un jeu de garçons, maintenant tout le monde y joue. Comme les métiers, le jeu s’ouvre à tous.
En jouant aux billes on prend des risques. Avec sa “mammouth” préférée, si âprement gagnée, on met en jeu un peu de soi-même. Quel désespoir si on la perd au jeu.
Les personnalités se dévoilent: il y a celui qui joue mal, mais a de belles billes, le gain sera gros, mais sans gloire. Il y a le fort, contre qui c’est un honneur de jouer, et quelle fierté si l’on gagne! Il y a les tricheurs, les menteurs, qui s’ils perdent, assurent jouer “pour de faux”, alors que le contrat était “pour de vrai”.
On se prépare à l’avance, choisit sa bille, évalue les risques. Le perte d’une belle bille peut même faire pleurer un grand. Certaines fois on fait crédit: on prête une bille à l’adversaire qui doit la rendre après le jeu, ou la remplacer le lendemain en cas de perte. Celui qui ne tient pas parole et ne rend pas la bille due est grillé dans toute la cour de récréation.
Que d’affrontements, de discussions serrées, accroupis en rond, autour d’un petit trou.
Plus tard les mêmes discussions auront lieu, dans une salle de conférence, autour d’une table. Les anciens joueurs de billes seront-ils plus honnêtes que les autres?

Laurence Cingria

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