ARCHIVES (1994)

Le courrier des lecteurs

Réponses à Isabelle S.
Le cri d’une adolescente (cf No 7, juillet-août 1993)

Chère Isabelle,
Merci pour ta lettre. On a mis du temps pour te répondre, mais vois-tu, tout ce que tu dis est tellement vrai. Nous aussi, adultes, sommes révoltés et même presque désespérés par tout ce que nous voyons autour de nous: les guerres, les tortures, les injustices, la faim, l’indifférence, etc. Le monde actuel a aussi été construit par la génération de nos parents et ainsi de suite. Donc, inutile de chercher des coupables. Chaque génération doit faire front à de nouveaux problèmes.
Moi, je te dis franchement que toute ma vie est une recherche de comprendre les jeunes, comprendre leur révolte et les écouter là où ils ne ressentent que le silence... On ne pourra jamais changer le monde, ni les gens.
La seule chose qu’on peut faire, c’est là où nous sommes dans le silence, essayer de mettre une petite pierre d’espérance, d’amour... Essayer de ne pas trop troubler, ni exciter son esprit en écoutant toutes les horreurs que nous montrent les médias du matin au soir. C’est par là que s’insinue cette peur qui nous fait perdre notre énergie. Ce n’est pas faire l’autruche qui cache sa tête dans le sable pour ne pas voir ce qui lui fait peur, mais cela ne sert à rien de se troubler sans arrêt du moment où, soi-même, on ne peut rien faire dans ces situations tragiques.
Par contre, on peut faire de petites choses. C’est ce qu’ont compris certaines organisations*: participer dans notre minuscule secteur, refuser la passivité, ne pas rester inertes, ne pas baisser les bras.
Par exemple: au lieu de me désespérer sur la situation en Bosnie, je fais quelque chose de concret. Je tricote des carrés pour faire des couvertures. Et devant la télévision, je ne pleure plus mais je tricote, je tricote en pensant au bébé bosniaque qui aura bien chaud grâce à ma couverture... Bien sûr que toi, tu n’es pas au temps du tricotage... C’est juste un exemple que je te donne.
Je terminerai en citant une phrase de Arnaud Desjardins (tirée de “L’audace de vivre”): “Il faut bien voir que pour celui qui est engagé sur le chemin de la sagesse et qui veut percer peu à peu le secret de la souffrance, il est indispensable de prendre le risque de vivre et celui de souffrir.”
Ces quelques mots pour te dire qu’il y a des adultes qui écoutent vos cris, et qui sont concernés par votre avenir. Témoin toute l’équipe des Entretiens qui contre vents et marées depuis bientôt 100 ans écrit et travaille bénévolement dans le but d’une meilleure compréhension entre parents et enfants.
Bien à toi

Maude

*par exemple:
“Volontaires 4 Horizons”, Ch. Pré du Couvent 3A, 1224 Chêne-Bougeries

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"Pour faire mourir la haine, faisons naître l’amour"

J’ai appris dans la vie que haine et amour cohabitent d’abord en moi; j’ai compris que pour apprivoiser l’amour, je dois ouvrir les yeux sur la haine - ou ses sous-produits: intolérance, violence, impatience, jugements rapides, manque d’écoute. J’ai d’abord essayé de comprendre ce qui se passe. Par exemple: pourquoi est-ce que je réagis ainsi? Qu’est-ce qui est en jeu? Suis-je menacée?
Pour écouter l’autre dans ce qu’il dit, ce qu’il est... cela me semble déjà un pas vers l’acceptation, vers l’amour.
Pour être plus concrète, il m’arrive de détester ceux que j’aime: me culpabiliser n’est alors pas la bonne voie. Pour arriver à aimer l’autre, je dois d’abord m’accepter et je crois que c’est ce qui ouvre le cadenas. Le Christ ne dit-il pas “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”?
Un petit truc pratique qui m’a été souvent utile: respirer profondément, c’est déjà prendre un peu de distance intérieure.

Monique

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