ARCHIVES (1994)

Une moto pour rêver

Par un bel après-midi au parc, j’observe un groupe qui s’approche lentement de la place de jeux avec à sa tête un enfant juché sur une moto à moteur, suivi par quelques adultes conversant entre eux.
Dès que l’enfant arrive sur la place de jeux, il s’y crée un véritable mouvement de foule:
- Eh! regardez la moto!
On abandonne seau, pelle, vélo ou balançoire pour aller voir d’un regard envieux ce superbe jouet.
- Tu me la prêtes?
- Non, je viens de la recevoir.
L’heureux propriétaire fait un premier tour de la place de jeux, suivi d’une horde d’enfants. Au deuxième tour, certains se lassent et reprennent leurs activités initiales, d’autres suivent toujours la moto: si jamais il la leur prêtait! Mais, petit à petit, chacun retourne à son occupation et notre petit motard se retrouve seul; il regarde de loin les autres enfants faire des courses à vélo ou des exploits sur les toboggans.
Sur le chemin du retour mes enfants me disent:
- Tu as vu la moto? J’aimerai en recevoir une pour Noël.
- Ah bon, et tu as l’impression que le petit garçon s’amusait?
- Non, pas vraiment!
Certes ce type de jouet est superbe, fait rêver, donne envie, mais reste un objet particulier pour un utilisateur solitaire, et la plupart des enfants aiment jouer en groupe... et pour cela, ce sont souvent les jeux les plus simples qui ont le plus de succès.
Ces superbes jouets ont tout de même du bon: ils permettent de rêver. Que ferions-nous sans rêve inaccessible: pour l’un le cheval, pour l’autre un concert à la Scala ou un mois de vacances dans une île du Pacifique? Le rêve est comme la liberté, il n’a pas de prix s’il n’y a pas de limites.
Parfois je me demande à quoi peuvent rêver les propriétaires de grandes fortunes...

Laurence Cingria

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