ARCHIVES
(1995)
Une petite différence... qui fait la différence
Je
me souviendrai toujours de ce grand chambardement que fut dans mon
enfance le déménagement de la campagne à la
ville. A 13 ans, jallais découvrir de nouveaux codes
sociaux. Après quelques semaines passées dans ma nouvelle
classe, javais limpression dêtre intégrée.
Le choc se passa quand un jour jeus lextrême inadvertance
darriver en jupe à lécole.
- Quoi? mais cest ta mère qui toblige à
mettre ça?
Et oui, là était la petite différence: toutes
les filles portaient des pantalons, un point cest tout. Terrifiée,
je nallais surtout pas leur répondre que cétait
pour mon plaisir que je portais une jupe ce matin-là. Je
suis rentrée en larmes: je me sentais détestable,
moche, sale et minable. Quelle impression douloureuse! Pourtant
mon cas nétait pas grave, puisquil me suffisait
de porter des pantalons pour y remédier. Heureusement, ma
mère a joué le jeu. Nous avons laissé les jupes
au placard et elles ont dû attendre quelques années
avant que mon courage viennent les en délivrer.
* * * * *
Vingt-deux ans plus tard, lhistoire se répète:
je déménage dune petite ville, charmante et
douillette, pour une grande ville inconnue et imposante. Moi, la
jeune et tranquille mère au foyer vais être confrontée
à un quartier très typé, où les femmes
travaillent et sengagent.
Des angoisses réapparaissent. Comment leur plaire? Avant
même de déménager, jimagine comment je
vais changer ma garde-robe pour coller au quartier. Puis après
quelques réflexions et conseils reçus, cette petite
phrase se glisse au milieu de toutes ces mises en scène:
à 35 ans, nest-ce pas le moment dêtre moi
et de le rester en face des autres, nest-ce pas après
tout plus intéressant pour tout le monde si je suis justement
différente? De là naissent les échanges. Peut-être
même que cest en aimant ses propres différences
que lon accepte celles des autres.
Julie
Retour
au sommaire 95
|