ARCHIVES (1995)

Je veux venir à l’enterrement

Les questions des enfants concernant la mort d’un proche nous bousculent, nous renvoient à nos propres interrogations. Lors d’un deuil, l’adulte aura à s’occuper de lui-même et des enfants. Au milieu de la peine surviennent leurs questions: peuvent-ils dire leurs sentiments, peuvent-ils faire ce qu’ils sentent bien pour eux, choisir d’aller à l’école le jour de l’enterrement ou venir pleurer avec les parents, les amis?

Des chercheurs ont montré que les enfants restés sur place avec leur famille au moment d’une catastrophe naturelle avaient, en moyenne, fait le deuil de leurs maisons, de leurs proches morts, de leurs amis bien mieux que les enfants qui avaient été envoyés au loin durant la recherche des survivants et la reconstruction. Cela ne plaide pas pour une immersion systématique des enfants dans les moments les plus durs du début du deuil, mais pose la question de leur possible présence à l’hôpital, à la levée de corps, au service funèbre, au cimetière... Tel enfant aura besoin d’être là, entre ses parents, pendant ce moment douloureux mais chaleureux des condoléances; pour tel autre, mieux vaudra ne pas assister au service funèbre et rester à la maison à regarder les albums de photos. Au moment de l’enterrement, pour bien réaliser le caractère définitif de la mort, tel enfant pourra avoir besoin de voir le trou dans la terre, tel autre restera éloigné. Mais alors, comment savoir s’il faut ou non interdire la présence de l’enfant à l’enterrement?

Eh bien, peut-être en racontant aux enfants ce qui va se passer, en leur proposant de venir ou non, comme ils le préfèrent. Les parents, ou une tierce personne, peuvent leur expliquer pourquoi ils ont le choix: ils sont assez grands pour sentir s’ils ont envie ou non d’être là, et leur présence ou leur absence à l’enterrement n’enlève rien à l’amour qu’ils avaient pour le défunt, n’enlève rien à l’amour que leurs parents ont pour eux, qu’ils éprouvent pour leurs parents, leurs grands-parents.

Adultes, nous avons souvent tendance à chercher à leur éviter les situations trop tristes. Mais parfois, l’attitude de protection qui éloigne un enfant d’un événement familial douloureux sera vécue par lui comme une exclusion. Laissons-les choisir.

Au moment de l’enterrement, ou dans les jours qui suivent, l’adulte se trouve souvent en manque de phrases pour dire son amitié, sa présence aimante et son espérance à l’enfant en deuil. Viennent alors à notre esprit des phrases préenregistrées, mémorisées en bloc. Pourquoi pas, à condition que nous soyons, bien sûr, d’accord avec le sens de ces expressions? Je prendrai un exemple: l’on entend: «Dieu l’a rappelé à lui». Vraiment? Dieu décide-t-il du jour et des circonstances de notre mort? L’accident de voiture dans lequel les cousins sont morts, est-ce lui qui l’a décidé? La leucémie du camarade de classe, est-ce sa volonté? Dieu serait ce marionnettiste qui joue avec notre vie et notre mort?

En couple, en groupe d’adultes, avec un pasteur, un prêtre, un psychologue, pourquoi ne pas se demander ensemble comment dire: je vois bien que tu as de la peine, tu peux l’exprimer, c’est normal; j’ai de la peine moi aussi, X me manque, X me manquera toujours. Il n’y a pas de honte à se trouver, adulte, démuni devant les questions que les enfants nous posent parce que nous les autorisons. Il n’y a pas de honte à demander à son entourage de l’aide dans l’accompagnement du deuil des enfants.

Isabelle Marc
Article paru dans Réforme, adapté par C.V.

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