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(1995)
Perception
de la mort selon lâge de lenfant
Geneviève Aurouze est psychologue clinicienne. Ayant travaillé
plusieurs années dans un service hospitalier de neurochirurgie,
elle a souvent été confrontée au problème
de la mort. Spécialiste du développement de lenfant,
avec un intérêt marqué pour létape
de ladolescence, elle explique que le regard des jeunes sur
la mort varie en fonction de leur âge.
La mort et le petit enfant
Tout petit, lenfant se croit immortel. Quand il voit une photo
du mariage de ses parents, il demande: «Et moi, jétais
où?» Il est difficile de lui expliquer quil nexistait
pas encore. Lui a limpression quil a toujours existé.
Avant lâge de trois ans, la mort na aucun sens
pour lenfant. Il ny est pas insensible, mais il ne conçoit
pas sa réalité. Il pense que la mort est réversible
comme le sommeil et quune personne qui est morte pourra revenir.
Avant lâge de six ans, lenfant pense que le mort
est toujours présent. Il se dit quil est mort, mais
quil voit, quil entend et quil pense. La mort
ne lui fait pas peur. Ce quil craint, en revanche, cest
la séparation et labandon. Il a besoin de se dire que
le mort va revenir. Cela atténue son angoisse. Sil
est confronté à la mort de son père, de sa
mère ou de sa soeur, il souffre à la fois de la séparation
et de la privation.
Les parents ne doivent pas dissimuler leur chagrin. Il est positif
pour lenfant de voir lattachement de ses parents à
la personne disparue. Il faut quun père qui a perdu
son épouse puisse dire à ses enfants: «Votre
mère me manque, jai mal. Mais elle restera toujours
dans mon coeur». Lenfant a besoin dêtre
rassuré sur la continuité des sentiments.
Un enfant de six ans croit au pouvoir de la pensée. Cest
la période de la pensée magique. Il peut culpabiliser
à la mort dun proche, simaginer quil est
mort parce quil a souhaité sa mort. Sil a été
jaloux de sa petite soeur, il pensera quelle est morte à
cause de lui.
Si lun de ses parents sest suicidé, il se dira
que cest parce quil a été méchant.
Cest pourquoi il est indispensable de parler avec lui, de
verbaliser et de lui faire comprendre quil nest en rien
responsable de ce qui est arrivé.
A partir de sept ans
Petit à petit, la mort devient pour lenfant un événement.
A partir de sept ans, il en a une autre compréhension, ne
la voit plus comme un phénomène temporaire. Il comprend
le cycle de la vie et la notion de perte. Il sait que le mort ne
bouge plus, ne parle plus, ne respire plus.
Entre sept et neuf ans, cest lâge de la curiosité:
il sinterroge sur le sens de lexistence, sur la sexualité,
il a peur du noir, peur dêtre seul.
Vers dix-douze ans, lenfant intègre la notion de la
mort comme un fait irréversible et acquis. La mort est un
malheur. Elle signifie la destruction de lindividu.
Parler de la mort est indispensable
Il faut que les parents se montrent sincères et discutent
avec lenfant pour quil vive lévénement
le mieux possible. Sils sen sentent incapables, ils
peuvent déléguer, demander à un membre de la
famille ou à un ami de sen charger.
Geneviève Aurouze
Article paru dans Femina
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