ARCHIVES (1995)

Pères en deuil

Le deuil d’un enfant est la perte la plus cruelle au sein d’une famille. Après un tel décès rien ne sera plus comme avant. Pour les parents, quel que soit leur âge et celui de l’enfant défunt, c’est une part d’eux-mêmes qui meurt. Aussi de nombreux pères ressentent la mort d’un fils comme une rupture de leur lignée. Qu’ils aient 80 ans ou à peine 40 et leur enfant 10, 18 ou 50 ans, leur grande douleur se mêle souvent à des accès de révolte : «Pourquoi lui et pas moi?»

Un homme ne pleure pas!
«C’est dur, très dur, de voir la fin...» les mots s’étranglent dans la voix de ce père qui ne s’est jamais beaucoup exprimé sur sa douleur. Ses collègues de travail, lors du décès de ses deux enfants, ne lui ont pas posé de question. «Les hommes sont en général discrets sur ce qu’ils ressentent. Ils sont plus rationalistes que les femmes et pensent que ce ne sont pas les larmes qui vont redonner vie à l’enfant mort». «J’aurais aimé parler de ma peine, mais avec des personnes ayant vécu la même douloureuse expérience que moi. Dans les cafés du village, quand je voyais les gens parler et rire je me disais: comment ne peuvent-ils pas comprendre à quel point je souffre?»
Après un deuil, tout particulièrement celui de son enfant, il faut du temps - des mois, voire une ou des années - pour retrouver une certaine sérénité.

Entraide, réconfort et exprimer ses sentiments
Tout deuil devrait être partagé. «Le deuil solitaire, je n’y crois pas», déclare Eric Rutgers, dont le fils s’est suicidé à 18 ans. «Après ce drame, je me suis senti comme assommé, détruit. Je ne pensais qu’à la mort de mon fils, à son absence. Impossible de fuir ces souvenirs. Au travail, un seul de mes collègues - tous des hommes - m’a réconforté en me demandant: comment fais-tu pour survivre? J’éprouvais un énorme besoin de partager ma souffrance, de parler de Pascal», raconte-t-il. A cette époque il essaie d’oublier son drame en s’investissant à fond dans le travail, mais se rend compte que «cette fuite» laborieuse n’est pas un remède. La famille ? Quel soutien peut-elle apporter? «C’est difficile de se faire aider par les siens. Chacun vit à son rythme. Il y a des moments de tristesse, de révolte, de colère ou d’apaisement qui ne surgissent pas en même temps pour mon épouse, pour ma fille ou pour moi». C’est pourquoi au fil d’un long cheminement, Eric Rutgers partage son expérience avec d’autres parents endeuillés et s’investit dans les groupes Arc-en-Ciel*, qui ont démarré à Zurich en 1982. Ces groupes d’entraide sont ouverts à tous les parents en deuil d’un enfant. Ils offrent accueil, compréhension, réconfort pour les aider à rompre la solitude, à comprendre ce qu’ils vivent et surtout à exprimer leurs sentiments.

Marie-Josèphe Luisier
Extrait de Construire, adapté par F.G.

* Arc-en-Ciel à Genève, Groupe d’entraide de parents en deuil, ch. Pré-d’Orsat, 9, 1245 Collonge-Bellerive.

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