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(1995)
Mange donc, Elodie!
Ne
sors pas de table, Elodie. Mange! Quand tu auras terminé,
tu pourras aller jouer. Le repas, c’est maintenant. Après,
ce sera trop tard. Tu n’auras plus rien. Alors tu auras faim.
Elodie ne s’intéresse absolument pas à ce qui
se passera plus tard. Elle a trois ans. Elle déteste rester
assise. D’ailleurs, ce n’est pas l’appétit
qui la sollicite, mais les cris de joie des copains qui jouent devant
la maison.
Heureusement, ses parents ont la mémoire courte. Leur petite
conférence prononcée sur l’utilité des
repas pris en temps voulu, ils se laissent rapidement accaparer
par d’autres sujets plus passionnants: le film d’hier
soir, les nouvelles des amis du Mali, les projets en vue des vacances.
Il y a longtemps que la petite les connaît. Elle sait comment
se débrouiller. Elle profitera du feu de la conversation
pour se lever et partir sans attirer l’attention.
Pas de souci à se faire. Il n’y aura pas de conséquences
fâcheuses. Pour l’instant, ce qui compte, c’est
les copains. Plus tard, quand elle aura faim, elle saura adopter
l’air pitoyable qui fait céder les adultes.
Comme d’habitude, elle larmoiera un peu. On lui donnera une
tartine et un verre de lait. Le tout accompagné de déclarations
logiques concernant le devoir des enfants de respecter scrupuleusement
l’heure sacrée des repas.
Marguerite Loutan
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