ARCHIVES
(1996)
Article
du passé:
Cette année, notre journal fête ses 100 ans de parution;
au début il était intitulé «Aux mères,
entretiens sur léducation». En parcourant les
anciens articles nous avons découvert une richesse «historique»
que nous souhaitons partager avec vous. Nous avons donc décidé
d'en publier un dans chaque numéro de l'année. Certains
nous semblent encore dactualité, quoique dans une langue
peut-être différente, dautres nous ont fait sourire...
La rédaction
La
causerie en famille
Parents
et enfants, il est une heure que vous devez mettre à part,
et soigner comme un trésor.
Cette heure est le moment de la causerie, de léchange
des idées bonnes, utiles, nouvelles, plaisantes, aimables
et des tristes aussi, qui vont et viennent entre père et
filles, entre mère et fils, pareilles à ces ballons
que chacun saisit à son tour pour les lancer à son
voisin.
Placer la causerie où vous voudrez, pourvu que vous la placiez
quelque part. Avant ou après le déjeuner, après
ou avant le culte domestique, après ou avant le dîner,
aux premières ou aux dernières heures du jour, peu
importe, pourvu que vous la mainteniez. Malheur aux familles qui
parviennent à sen passer; malheur aux familles qui
appellent cela du temps perdu! Et nallez pas rire si jaffirme
que, la piété sous-entendue, une bonne causerie en
famille est le meilleur moyen de vaincre légoïsme
personnel.
Tenez, prenons Jean, le fils aîné, ce gai luron. Livré
à son caractère naturel, M. Jean naurait pas
demandé mieux, comme tant dautres gars, que de senfermer,
les repas expédiés, dans sa chambre, au frais (ou
au chaud) pour y dévorer les journaux, étendu sur
trois chaises, ou bien que daller faire une partie de billard
avec quelques amis.
Eh bien! le voilà, lui-même, assis par terre, les deux
plus petits «mioches» perchés sur ses genoux.
Il raconte une histoire; sa voix sonore et fraîche la module
dramatiquement; la mère et la soeur de sémouvoir
jusquaux larmes quand lhistoire tourne au tragique,
de rire de bon coeur lorsquelle passe au burlesque; tandis
que papa, sous sa grande barbe et ses sourcils austères,
laisse échapper un sourire dintime satisfaction, arraché
par la prodigieuse exubérance de Monsieur son fils.
Admirable atelier, que la causerie chez soi! Dès quun
projet, dès quune idée, dès quune
découverte dans le monde moral fait son apparition, elle
passe au laminoir de la critique. Et quelle critique! bonne, simple,
franche, intègre, cordiale; sans compter quétant
multiple, les contraires sy rencontrent, les extrêmes
sy corrigent lun lautre. Mlle Gabrielle, lâme
rêveuse, limagination poétique, se perdrait volontiers
dans léther; Mlle Jenny, lesprit positif, se
charge de la ramener ici-bas. Puis, quand lidée ou
le projet fait le tour du jeune public, papa et maman, si la chose
en vaut la peine, la sanctionnent par un mot déloges,
si elle est oiseuse ou mauvaise, lenvoient promener dun
mot juste: mot net, mot décisif qui va de la conscience et
du coeur au coeur.
Cest ainsi quune chaude, quune lumineuse atmosphère
enveloppe enfants et parents. Ainsi tout ce qui est artistique,
savant ou beau, vient sy ébattre en pleine clarté.
Ainsi lon se connaît. On sencourage à mieux
aimer le Seigneur, à mieux aimer ses frères. Ainsi
dans ce doux milieu, sur ce terrain fertile, on sème pour
le présent les purs bonheurs, pour lavenir les éternelles
bénédictions.
Article signé X, paru dans le No 7 de lannée
1897
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