ARCHIVES
(1996)
Le
sommeil
Voici
ce que Mme Rosine Debray dit du sommeil et de ses troubles. Elle
est professeur de psychologie clinique et scolaire à luniversité
René Descartes, Paris 5, membre de la société
psychanalytique de Paris, membre de lInstitut de psychosomatique,
Hôpital des Poterres des Peupliers. (extrait de son livre:
«Bébés/mères en révolte»
éd. Païdos/Le Centurion, pages 55-56-57)
Il me semble raisonnable de considérer que le sommeil
nest jamais continu tout au long du temps dune nuit.
Ceci ne fait que reprendre les observations des spécialistes
de la physiologie du sommeil qui soulignent lalternance entre
les phases de sommeil lent (NREM) et les phases de sommeil rapide
ou paradoxal (REM) au cours de la même nuit (le nouveau-né
passe 50 % de son temps en sommeil paradoxal, lenfant dun
an 30 % alors que chez ladolescent le sommeil paradoxal ne
représente plus que 20 % du temps total de sommeil, selon
B. Cramer). Chez les bébés - comme chez certains adultes
- sajoutent à cette alternance des périodes
déveil plus ou moins nettes. Et cest en fonction
de la façon dont le bébé va pouvoir négocier
ces moments déveil que sinstalleront ou non des
troubles du sommeil, voire des tableaux dinsomnies plus sévères.
Si léveil survient sur un fond général
paisible où ce qui est de lordre de lexpérience
de la satisfaction lemporte sur la frustration, lavidité
et le besoin impérieux de sentir et de voir lobjet
aimé, le réendormissement peut se produire sans difficulté
à laide seulement parfois dune petite activité
de suçotement par exemple. Mais si le réveil survient
brutalement, ce qui est souvent le cas lorsque lendormissement
sest fait lui aussi brutalement sous la forme dun brusque
épuisement consécutif à un accès dagitation
ou de fureur, les pleurs voire les hurlements reprennent quasi instantanément,
ouvrant la voie à un éventuel épisode dinsomnie
anxieuse.
Cest bien là ce qui me fait affirmer cette évidence
que les nuits sont à limage des jours.
La tolérance des bébés à la frustration
que constitue la séparation davec leurs objets privilégiés:
mère et père, est donc au premier plan en ce qui concerne
leur capacité de gérer et daménager les
moments déveil dont le temps de la nuit est nécessairement
parsemé. Si lon admet ce point de vue on cherchera
tout naturellement à favoriser des moments dattente
où le bébé saura, dans la journée, aménager
des stratégies progressivement plus complexes et donc plus
durables pour meubler un certain temps entre la réapparition
de ses besoins et de ses désirs et leur satisfaction qui
se doit de pouvoir être progressivement différée.
Répondre au doigt et à loeil à la moindre
demande de son bébé, cest lempêcher
de pouvoir développer de telles stratégies dattente
et cest le maintenir, ce faisant, dans un état de dépendance
totale à légard de ses objets privilégiés
dont il me semble alors tout à fait justifié quils
se trouvent en retour à la merci des exigences impérieuses
du bébé. Les besoins et les désirs pulsionnels
renaissent continuellement, il faut donc un long travail pour apprendre
à les contenir et à les rendre tolérables non
seulement pour le monde relationnel extérieur mais aussi
et surtout au sein du monde pulsionnel interne si difficile à
maîtriser. Ce sont les vicissitudes de ces aménagements
en quelque sorte impossibles dont les bébés insomniaques
et leurs mères témoignent avec souvent beaucoup de
souffrance.
Rosine Debray
Retour
au sommaire 96
|