ARCHIVES (1996)

Article du passé
A chaque époque son regard. Le goût

L’éducation de ce sens, indispensable au chimiste et au cuisinier, l’est fort peu pour la généralité des hommes. Le goût trop exercé conduit bientôt à la gourmandise et à l’intempérance. Bien que, grâce au tact dont les lèvres et la langue sont pourvues à un haut degré, ce soit le premier sens qui s’éveille, le goût ne se développe qu’avec lenteur. Les enfants ne l’ont pas délicat. La nourriture la plus simple leur plaît toujours le mieux; et s’ils ont faim, ils s’inquiètent peu du manque d’apprêt dans les aliments qu’on leur offre. C’est plus tard seulement que, par la variété et la recherche des mets, surtout en entendant vanter celui-ci et critiquer celui-là, un enfant acquiert à ce sujet quelque discernement. Or, je n’ai pas besoin de vous exhorter à ne pas faire de vos élèves de petits gastronomes.
L’éducation devra donc retarder autant que possible le moment où l’enfant perdra sa première simplicité. Vous bannirez absolument de votre table toute dissertation sur le bon ou le mauvais goût des aliments. Il faut éviter aussi que le sens du goût ne se déprave ou ne s’émousse. L’expérience démontre que rien n’y contribue comme l’usage des sucreries, des mets épicés, des liqueurs fortes et l’habitude de manger ou de boire trop chaud. Il arrive trop souvent que les enfants éprouvent une antipathie prononcée pour certaines saveurs, et un attrait absurde, sinon dangereux, pour d’autres. Il est évident que ce sont deux dispositions à combattre; d’autant plus que parfois ce n’est qu’affaire de préjugé ou d’imagination. En tous cas, la dignité humaine et la saine morale ne sauraient approuver cet indigne esclavage.

Louis Burnier, extrait du «Cours élémentaire d’éducation chrétienne»
Article paru dans le No 2 de l’année 1913

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