ARCHIVES (1996)

Les lecteurs ont la parole
Réaction au numéro sur la fête des mères

J’aime lire vos articles brefs, bien écrits. Cette fois-ci pourtant, j’ai été surprise par le ton un peu désabusé de certains textes sur la fête des mères. Par exemple: cette phrase de la vieille amie Marguerite (81 ans) qui illustre le secret de son épanouissement par: «J’ai appris, avec les années, à ne jamais rien attendre des autres, ainsi je reçois toutes les marques d’affection comme un cadeau» et cette exhortation ajoutée: «à méditer».
Moi, ces mots m’attristent profondément, ils me font penser à un homme qui me disait: «Je n’aime personne, comme ça je ne suis pas déçu». Ne jamais rien attendre des autres: quelle résignation. Pour moi si je n’attendais rien des autres et que les autres n’attendaient rien de moi, alors ce ne serait pas la peine de vivre en humanité.
Aline Lasserre
P.S.: J’ai quatre enfants et j’attends qu’ils pensent à moi le jour de la fête des mères. Quelques fois je suis déçue, mais si je n’attendais rien, je suis sûre que ma joie n’aurait pas la même saveur.
Réponse de la vieille amie
Soyez sûre que je suis désolée d’avoir assombri votre fête des mères de cette année. J’en suis d’autant plus navrée que j’ai passé une grande partie de ma vie à relever en toute occasion l’aspect positif des choses et des gens. Nous avons tellement besoin d’être encouragés: les parents, les enfants, les éducateurs, tout le monde.
Ce qui n’empêche pas les menues déceptions de nous guetter à chaque virage. Les réalités de la vie quotidienne sont jalonnées d’imprévus qui ne sont pas toujours réconfortants. Comment s’organiser pour devenir capable de faire face sans se laisser abattre?
Le seul truc que j’ai trouvé, et qui m’a grandement facilité la vie de relation, c’est de renoncer à idéaliser les êtres et les situations.
L’imagination nous joue souvent des mauvais tours. On fait des projets précis. On se raconte des fables mirobolantes. Et plouf! Les choses se passent autrement que prévu. Il faut tenter de s’adapter.
Pourquoi ne pas s’entraîner à davantage de souplesse? Se sentir libre intérieurement afin d’être apte à accueillir les imprévus les plus déroutants. Rester ouvert à toute éventualité sans trop d’idées fixes.
Voilà ce que je voulais exprimer à Maude quand je lui ai dit que je n’attendais rien de personne. Cela veut dire: rien de précis. Je me prépare à accueillir avec sérénité ce que la vie propose: les petits gestes, les grandes démonstrations, les lacunes, le mutisme, les oublis.
Car ce qui m’aide à vivre, ce n’est pas tellement ce que les autres me donnent, mais ce que mon coeur est disposé à leur offrir.

Marguerite

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