ARCHIVES (1996)

Les vacances ne sont pas les mêmes pour tous

L’été arrive... et avec, le beau temps des vacances. Chic!
Pourtant cette année, je m’angoisse. J’habite depuis deux ans dans un groupe de deux maisons où vivent une trentaine de familles. Tout le monde se connaît. Quand arrive le mois de juin, dans la cour, le grand sujet de discussion s’impose: «Alors, tu pars cet été? Où vas-tu?» et les réponses fusent: «En Grèce» «Au Portugal» «Un mois à la montagne».
Mais moi je devrais expliquer: «Nous, nous ne partons pas. Nous n’avons pas d’argent, mon mari est au chômage, bientôt en fin de droit. Nous resterons par ici.» Idéalement c’est comme ça qu’il faudrait le dire: tranquillement, comme un état de fait, sans plus. Et pourtant, je sais déjà que j’ai peur de ces questions, que je vais bafouiller... et me sentir gênée... Pourquoi?
C’est vrai que le voisinage n’aide pas. La plupart des habitants gagnent bien leur vie. Dans tous les couples, les deux travaillent, donc pas de problèmes financiers à l’horizon.
Est-ce que mes sentiments changeraient si j’habitais ailleurs? Peut-être un peu, on ne se connaîtrait pas, on devrait moins parler. Mais parler, j’ai toujours pensé que c’était important! Alors? Pourquoi suis-je si peu tranquille? Je vois deux raisons à ma gêne. Premièrement, je pense qu’ils vont avoir pitié de moi et je crains cette pitié. Je ferais mieux de penser que ce ne sont pas leurs affaires, que je les informe et c’est tout.
Mais la raison la plus importante est, je crois, la bonne conscience de certaines personnes. Ils ont du travail et pensent être dans le droit chemin. Nous, par contre, nous sommes des personnes qui ont dû commettre une faute ou une erreur puisque nous n’avons pas beaucoup d’argent, et qu’en Suisse cela ne peut pas être la réalité. Le chômage m’a permis de reposer les pieds sur terre et j’ai appris à ne pas oublier ce qu’est le quotidien de la plupart des gens qui vivent sur cette terre. La Suisse est loin d’être la normalité.
Je suis encore une privilégiée. J’ai une famille, deux enfants qui vont bien et mon mari. J’ai un travail à mi-temps et j’ai beaucoup d’activités intéressantes (bénévoles ou gratuites). Alors avec ça, la vie est déjà un plaisir et pour le reste, on verra en temps voulu. Bien sûr, nous passons à côté de la société de consommation...!! Mais figurez-vous que c’est possible. Et tant pis pour ceux à qui ça donne le vertige.

Julie

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