ARCHIVES (1996)

Article du passé:
A l’occasion du 100ème anniversaire de parution des «Entretiens sur l’éducation», nous publions chaque mois un article puisé dans nos anciens numéros.

Précipitation

Pourquoi êtes-vous si pressés? Ne pouvez-vous vous arrêter une minute pour respirer et vous demander où vous allez avec ces enfants? A quoi bon cette course haletante, si vous n’atteignez le but que pour vous apercevoir que l’enfant est resté en arrière?
Le bébé, dans son bain, saisit sa lavette et la promène maladroitement sur son visage. Il essaie de se laver lui-même. Mais sa mère n’a pas le temps d’attendre. Cette expérience prendrait trop de temps. Sa besogne de la matinée l’attend. Qu’arriverait-il si la maison n’était pas en ordre et les commissions faites à onze heures? Aussi, elle s’empare de la lavette et la manie précipitamment.
Maman arrive au bout de son travail, mais bébé n’a pas l’occasion de faire le sien. Sans doute, il est très important que la besogne de maman soit faite bien et rapidement. Mais je pense, surtout, à l’intérêt de Bébé. Quand son tour viendra-t-il? Peut-être qu’une petite attente, cinq minutes de plus consacrées à son bain quotidien le rendraient si indépendant que bientôt ces cinq minutes seraient gagnées au lieu d’être perdues.
(...) Il va à l’école. Toutes sortes d’expériences nouvelles se présentent à lui. Il aimerait s’y initier peu à peu, faire son choix, réfléchir à ce qu’il voit. Mais pas moyen. Il n’y a pas le temps. Il commençait à être bien en train quand la cloche sonne et le maître l’arrête.
Une autre leçon commence et on lui pose une question. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle fût formulée ainsi; il hésite, il veut rassembler ses idées.
- Je ne peux pas attendre. Tu es trop lent. Tu aurais dû apprendre ta leçon. Le suivant?
Le maître et la mère me diront tous deux: «Mais je n’ai pas le temps d’attendre. C’est facile à vous de dire qu’il faut lui laisser le temps de réfléchir. Mais comment arriverai-je au bout de mon travail?»
Voyons, en quoi consiste votre travail? Le faites-vous réellement? Qui hâte gâte, et je suis convaincu que jamais la précipitation n’est aussi nuisible qu’en éducation. Je crois que le meilleur moment pour enseigner quelque chose à un enfant est celui où il en éprouve le désir. Je crois qu’ainsi, il apprendra plus vite et que vous gagnerez du temps.
Qu’aurez-vous gagné si vous arrivez au but de votre voyage, essoufflé et haletant, pour vous apercevoir que vous avez perdu l’enfant en route?

Angelo Patri, tiré de «Child Training»
Article paru dans le numéro 9 de l’année 1926

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