ARCHIVES (1996)

Vive l’indépendance!

A partir de quel âge l’enfant a-t-il besoin qu’on lui accorde un peu d’indépendance? Voilà une question qui ne m’avait jamais traversé l’esprit, même enceinte, et qui pourtant, très vite, m’est apparue comme essentielle. Est-ce à l’âge d’une année, quand il se met à marcher, vers deux ans, quand il commence justement à être un peu plus indépendant, ou vers quatre ans, à l’âge de l’école?
Ou alors serait-ce dès la naissance?

Mais d’abord, comment m’est venue cette question?
A l’époque de la naissance de notre fille un événement m’a marquée. En effet, la fille d’une amie était partie à 18 ans aux Etats-Unis. L’absence devait durer un an. Jusque là, rien de plus banal! Mais, un peu plus tard, mon amie m’apprenait que sa fille resterait vivre là-bas. Elle s’y plaisait, elle allait se marier. Du jour au lendemain, mon amie ne verrait sa fille plus qu’une fois par année, voire tous les deux ans seulement, car les voyages coûtent cher.
Cette aventure semble totalement irréaliste quand on tient son bébé de quelques jours dans ses bras et qu’il nous montre à chaque instant combien il a besoin de nous.
J’avais donc compris que mon enfant serait là tant qu’il serait là, ni plus ni moins. Je me devais de ne pas construire ma vie uniquement autour de lui. L’indépendance, il fallait que je la préserve déjà pour moi.

Et les enfants, quels sont leurs besoins?
Très vite, un bébé de quelques mois est capable d’apprendre beaucoup de choses par lui-même et développe sa propre manière de jouer. Pourtant, nous nous surprenons sans cesse à intervenir dans le déroulement de son jeu: «ne tiens pas cet objet comme cela, c’est par là qu’il faut le prendre!», etc. Ou quand plusieurs enfants jouent ensemble, nous ne nous privons pas d’interagir quand bon nous semble dans les relations entre notre enfant et les autres. C’est d’ailleurs naturel que nous mourrions d’envie d’intervenir dans leur vie. Notre expérience est plus grande que la leur et nous voulons bien faire.

Pour mieux laisser ma fille tranquille afin qu’elle découvre le monde à son rythme, je me rendais parfois de longs moments dans une autre chambre, la laissant dans la sienne, au milieu de ses jouets, ayant auparavant, bien entendu, écarté tous les dangers éventuels. Comme cela, elle était libre d’agir à sa guise et très vite elle a su s’occuper seule.

Une autre expérience d’indépendance se présenta quand elle fut âgée de trois ans et demi. Les éducatrices de la crèche où elle se rendait trois matins par semaine me proposèrent de la prendre en camp pour cinq jours. Alors là non, je n’étais pas d’accord, l’indépendance oui, mais là, ça dépassait les bornes. C’était évident qu’elle allait être traumatisée: cinq jours sans nous, surtout sans moi, elle n’allait pas tenir! Une amie m’a gentiment fait remarquer que moi, je m’obstinais, mais elle? J’ai alors demandé à ma fille ce qu’elle en pensait, en lui expliquant bien qu’elle serait très, très longtemps sans ses parents. Elle a répondu sans hésitation: «Mais j’aime être sans les parents, et je n’aime pas être toujours à la maison». Bon. Par ailleurs, je me rendais compte qu’objectivement nous ne risquions pas grand chose. Le camp se situait à une distance raisonnable de notre lieu d’habitation et les éducatrices nous téléphoneraient au moindre problème. Tout s’est très bien passé. A quatre ans et demi, elle participait avec enthousiasme à son deuxième camp.

En conclusion, dès la naissance de ma fille, nous nous sommes occupées tant et plus l’une de l’autre, mais nous nous sommes aussi laissées à chacune des moments pour soi: c’est d’une grande aide pour vivre mieux le quotidien.

Julie

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