ARCHIVES (1997)

L’agenda

Pour beaucoup d’entre nous, le temps se vit, se programme avec l’aide d’un agenda, petit monstre indispensable qui rythme nos journées et nos semaines, nous rappelle ce que parfois nous préférerions oublier, et nous affole s’il vient à s’égarer. Le temps de l’agenda est un temps morcelé, découpé en petites cases juxtaposées les unes aux autres, parfois entassées d’un bout à l’autre de la journée ou de la semaine. Dans ces petites cases s’accumulent toutes les choses que nous devons faire (ou que nous pensons devoir faire, ou que nous avons envie de faire) dans un espace de temps donné.
Remarquons en passant que quand quelqu’un dit «je n’ai pas le temps» c’est presque toujours par rapport à quelque chose à faire. Avoir un agenda bien rempli, c’est appartenir à la catégorie des gens qui font beaucoup de choses et c’est valorisant.
Bien entendu, je reconnais les bienfaits d’une organisation du temps, l’utilité d’un agenda pour éviter des oublis fâcheux, pour programmer judicieusement son temps. Mais je m’interroge devant ce temps si rempli, au point que le moindre imprévu apparaît comme une catastrophe. En effet, et par définition, l’imprévu ne peut pas être compris au programme. Cela peut aller de la voisine en larmes qui a besoin de réconfort à la maladie d’un de nos enfants qui demande notre présence, de la panne de voiture à l’arrivée inopinée d’amis de l’étranger.
Que ferons-nous alors? Trouverons-nous une faille, une brèche dans notre programme pour permettre à notre spontanéité, à notre disponibilité de s’exprimer? Dans la perspective que l’agenda nous définit, un moment où l’on n'a rien à faire est du temps perdu. C’est ce que nous enseignons à nos enfants, d’ailleurs.
- Que fais-tu?
- Rien, maman.
- Mais voyons, ne reste pas sans rien faire, tu perds ton temps!
Mais n’avons-nous pas besoin (et nos enfants aussi), à côté des temps d’activité intense, de temps pour être, tout simplement? Le temps de rêver, de se retrouver, de rassembler les morceaux éparpillés, nous rend un équilibre nécessaire et nous permet de repartir ensuite de bon pied. De même, le temps d’échanger, de dialoguer, de partager, prenons-le, saisissons-le même au vol, surtout lorsqu’il s’agit de nos enfants, sinon notre programme trop bien établi nous aura fait passer à côté de l’essentiel.

Madeleine Allenbach

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