ARCHIVES (1997)

La pub en question

L’image tellement idéalisée des familles dans la pub ne contribue-t-elle pas en partie au mal-être général qui règne trop souvent actuellement?
Les mères de famille sont toujours jeunes, jolies et gaies, elles font leur ménage le sourire aux lèvres, les cuisines les plus sales et en désordre redeviennent propres en un tour de main, la lessive s’étend dans un jardin ensoleillé sous des pommiers en fleurs et la crise d’adolescence passe grâce à une tasse de café à la chicorée. Lorsqu’elle travaille à l’extérieur, la femme est jeune, élégante, efficace. Elle reste bien coiffée, ne transpire pas, mène son activité de cadre entourée d’hommes avec charme, tout en surveillant sa vie familiale au moyen d’un téléphone portable.
Les grands-parents sont aussi présents dans la pub, mais en bonne santé, généreux et sachant toujours dire une parole constructive sur la nature ou l’eau de Javel!
Et les hommes: eux aussi sont jeunes, minces et s’ils sont fatigués un seul comprimé leur redonne une énergie folle. Ils font en général partie de conseils d’administration, et quand ils conduisent une grue c’est sous le soleil dans un environnement sans boue. Le week-end, ils font du vélo en famille et apprécient de tomber dans la mare du jardin! Il leur arrive aussi d’avoir l’indélicatesse extrême de dire à leur femme devant une table d’invités: «Chérie, les verres sont sales!» et elle, toujours souriante, leur prend les lunettes, les nettoie et le mal est réparé...
Nos enfants, et nous aussi peut-être, croyons à cette pub. D’ailleurs depuis quelques temps, certains produits portent la mention «vu à la télé» comme certificat de qualité.
Il suffit d’une expérience malencontreuse pour prouver l’irréalité du monde de la pub. Mes enfants l’ont appris à leurs dépends. Dans un grand magasin, nous nous trouvions devant le présentoir de shampooings. Lequel choisir? Le moins cher, celui qu’utilisait ma mère? Les enfants me demandèrent d’en acheter un dans un flacon amusant car, selon la pub, il ne piquait pas les yeux et démêlait les cheveux. Essayons! Le soir, au moment du bain, je me suis retrouvée entourée d’enfants-pub: souriants, charmants et obéissants. Suffit-il d’un shampooing pour entrer dans ce monde idéal? La désillusion fut rapide et totale: «Il est nul ce truc, il pique les yeux. Et mes cheveux, ils sont pleins de noeuds!»
Maintenant, lorsque mes enfants me disent: «Tu achètes cela, c’est génial, on l’a vu à la télé!» je n’ai qu’à leur répondre: «C’est comme le shampooing» pour remettre les pendules à l’heure!

Laurence

Retour au sommaire 97

 

  Informations :
info@entretiens.ch
  Réalisation du site:
NetOpera/PhotOpera
 

© Entretiens sur
l'Education, 2000

Accueil Articles Archives Abonnements Adresses Le journal Archives