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(1997)
Famille,
je vous haime!
A lenterrement du fils cadet, ils étaient tous là.
Venus
des quatre coins du pays - certains avaient même franchi les
océans - ils se retrouvaient au complet après des
années de séparation. Laîné essayait
vainement de consoler le désespoir de la mère: il
osait enfin crier son amour! La fille, hébétée,
retrouvait la cellule familiale oubliée. Elle revivait la
chaleur des dîners dautrefois, ses espiègleries,
ses complicités fraternelles, tandis que le père gémissait
devant une progéniture et une ex-compagne qui le voyaient
pleurer pour la première fois, tant damour réconfortant
dans cette souffrance, amour protecteur, amour refuge jailli de
laccident, amour lumineux, évident, constant, simplement
là:
famille, je vous aime!
Au partage des biens de la mère disparue.
Ils étaient presque tous là.
Malgré
la modestie de lhéritage, ils se déchiraient
pour les draps de lin, sempoisonnaient avec largenterie,
se brisaient à coups de chaises Louis XV ou darmoires
Louis-Philippe. Où se cachait donc cette belle éducation
maintenant que lemblème rassurant de cette famille
nétait plus? Plus de bouchon pour contenir léruption
du volcan qui crachait alors pêle-mêle haines enfouies,
jalousies voilées, rancunes englouties, envies réprimées...
famille, je vous hais!
Au mariage du petit-fils. Ils étaient encore là.
Avec
le temps, adoucies les peines, éteintes les passions. De
nouvelles naissances avaient oeuvré à la réconciliation.
On sétait ressoudé devant le sourire dun
bébé. Tous avaient transmis naturellement les valeurs-refuge
réconfortantes de la cellule familiale. Les adultes sétaient
soutenus dans les coups durs ou pour épauler la génération
montante.
Aujourdhui les belles-soeurs se reparlent: effacé le
temps des hostilités! On fait bloc face aux nouveaux venus.
La famille sagrandit, alors elle consolide son noyau! Cousins
cousines butinent, frères et soeurs retrouvent un instant
les plaisirs dantan. Cest chaud, cest bon, on
se love dans cette atmosphère de fête, on se régale...
Pour votre nom respecté, protégé, sali ou honoré,
famille, je vous haime!
Marie-Andrée
a paru dans «F-Information»
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