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(1997)
Quand
la parole manque
Quelquun
affirmait «la violence est une parole emmurée».
La parole sacquiert naturellement chez lenfant et pourtant
parler nest pas aussi simple quil ny paraît.
Quil est difficile, par exemple, dexprimer ce que lon
ressent! Il faut dune part être capable didentifier
ses sentiments, ses désirs, et ensuite oser le dire à
lautre. Parler exige un rapport avec lautre. Un jugement,
une réaction. Il faut du courage pour parler.
Parler, cest aussi demander. Oser demander pour obtenir ce
que lon désire. Si seulement lautre devinait
à demi-mot: «je pensais que tu savais que...».
En fait, non, il navait pas compris, car je lavais mal
dit et jai cru quil me comprenait. Ce malentendu alors
se déposera, telle une pierre douloureuse sur un chemin...
peut-être... sauf si lon parle à nouveau, quon
explique mieux. Encore parler. Ah le pouvoir de la parole! Je comprends
de mieux en mieux quune parole non dite ou mal dite puisse
créer de la violence à lintérieur de
soi, violence qui finira par rejaillir sans parole, sans avertissement...
Lenfant, lui, rencontre une difficulté supplémentaire:
il doit parler à des grandes personnes qui savent déjà
tout et mieux.
Quand il arrive à notre fils un petit incident (sil
est bousculé, interrompu dans son jeu, si nous ne lécoutons
pas quand il nous parle), il est parfois fortement contrarié.
Mais au lieu de le dire, il se renferme. Mauvaise humeur. Cage.
Que faire pour laider à souvrir de nouveau? Nous
navons pas trouvé de recette infaillible. Nous prenons
le temps de lapprivoiser pour quil se détende
ou alors nous le grondons parce quil exagère. Idéalement
cest lui-même qui devrait arriver à ouvrir sa
cage, car ses copains, eux, ne prennent pas de gants dans ces situations-là.
Ils bâchent ou ils se moquent de lui. Conclusion: il faudrait
quil soit capable dexprimer ce quil ressent au
moment où les événements ont lieu. Cest
vite dit!
Mon mari et moi faisons un constat. A table, Nicolas narrive
que très rarement à demander le beurre, ou autre chose,
de manière calme et claire. Cest plutôt un signe
de tête en direction du beurre accompagné dun
«hinnn», voire de cris. Et moi, la maman, je le lui
donne sans hésiter. Ou pire: il marrive danticiper
ses besoins, de lui offrir ce quil demande avant même
quil le désire.
Si on commençait par là? Peut-être que si notre
fils était capable de demander le beurre en toute sérénité,
sans gêne et naturellement, il pourrait ensuite, comme par
magie, demander dautres choses, plus difficiles et qui lui
tiennent à coeur. Nous essayons. Nous les reprenons, lui
et sa soeur, chaque fois quà table leur demande nest
pas claire et moi, de mon côté, je mefforce (avec
beaucoup de difficulté, je lavoue) de ne pas chercher
à savoir ce dont ils ont besoin. Affaire à suivre.
Julie
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