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(1997)
Comment
sen sortir?
Une
chose est sûre, il faut du temps
Cest à travers une succession de démarches que
le jeune, seul ou accompagné, va se sortir de la drogue.
Il faut compter quelques années, souvent dix ou douze ans.
Tout ce temps vaut la peine dêtre vécu car ainsi
la vie continue, ce nest plus la mort mais la re-naissance.
La vie a une autre signification pour la personne qui, à
ce moment-là, nest plus toxicomane.
Jai
retenu cela à la suite de notre rencontre avec le Dr Gérard
Eichenberger. Il nous a consacré une soirée afin de
nous permettre décrire ce numéro des «Entretiens
sur léducation». Je vais donc le citer tout au
long de cet article.
Il
est important de rappeler que la toxicomanie est une maladie. Celle-ci
ne sattrape pas nimporte comment. Il faut que soient
réunis un certain nombre de facteurs.
La dépendance à la drogue commence souvent vers 15-17
ans. Cest un enchaînement de circonstances de vie qui
amène ladolescent à consommer une ou des drogues.
Tout jeune ne va pas se droguer heureusement. Mais si par hasard
son développement est compromis par trop de difficultés
personnelles, il pourra avoir recours à la drogue. Les difficultés
familiales sont elles aussi un facteur qui peut amener un comportement
toxicomane. Lenfant se sent alors porteur des problèmes
pour le groupe familial. Parfois, il y a un cumul des problèmes
personnels et de ceux de la famille.
Donc, le développement de chaque individu est capital et
nous, les parents, nous savons que parfois les équilibres
sont précaires et quil suffit dun manque dattention,
de circonstances extérieures comme le groupe de copains,
pour que notre enfant fasse des expériences négatives
pouvant lentraîner là où il sera en difficulté.
Le Dr Eichenberger propose, une fois lengrenage de la drogue
installé, de créer les conditions nécessaires
au renoncement au produit toxique. Lobjectif principal étant
que le jeune veuille sen sortir, ait envie darrêter
de prendre de la drogue. Avant den arriver à cette
conviction, le chemin suivi peut être ardu et ce ne sera pas
mon propos de décrire les étapes à traverser.
Le
jeune adulte qui veut sen sortir ne pourra que rarement le
faire seul. Il aura besoin dêtre accompagné,
suivi, repêché. Cest essentiel quil décide
darrêter mais cela ne suffit pas pour être guéri.
Bien souvent laccompagnement est médical, éducatif
et social. Laccompagnant nest pas forcément un
professionnel, cest un membre de la famille élargie
ou un ami proche. Cest alors la qualité de la relation
établie qui va permettre au jeune de cheminer vers un mieux-être.
Le travail avec la famille (en parallèle) sera poursuivi
afin de redonner une vraie place à chacun. Dans son développement
ladolescent doit faire la paix avec lui-même, avec sa
famille et sil le faut avec les autres, en vue de trouver
sa place dans notre société.
Il
sagit de bloquer les expériences négatives pour
les remplacer par des expériences positives, douvrir
le dialogue, de structurer lenfant afin quil acquiert
une personnalité mieux équilibrée et quil
soit reconnu par son groupe familial et ses pairs. Plus les expérimentations
seront positives, plus le sentiment destime de soi sera restauré
et plus les chances lui seront données pour sa réussite
personnelle.
Je dirais en conclusion que le comportement toxicomane apparaît
lorsque le jeune a une personnalité fragile, quil est
en recherche et que cest ce quil a trouvé comme
moyen pour lutter contre des sentiments difficiles à surmonter
parfois ajouté à un contexte familial complexe et
peu structurant ou hyperprotecteur.
Dans
ma vie professionnelle, il y a plus de dix ans, jai eu affaire
avec des toxicomanes. Jai toujours été frappée
par leur intelligence, leur sens critique et leur exaspération
envers la société des adultes. Je nai pas toujours
su les accompagner aussi longtemps quil laurait fallu.
Si pour certains je nai pas reçu de bonnes nouvelles,
pour dautres jai appris que leur vie était réussie.
Claudine
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