ARCHIVES
(1997)
Témoignage
Je
ne veux pas causer de tort à certains membres de ma famille,
alors je ne rentrerai pas dans les détails qui auraient pu
minciter à vivre «plusieurs vies».
Dans un premier temps, vers lâge de douze ans, mes parents
mont cherché une activité saine, avec des gens
bien. Ils se sont tournés vers le scoutisme et, cest
vrai, cétait génial. Jy ai découvert
lamitié, le respect, la solidarité et un véritable
code dhonneur. On était toutes des frangines et jai
appris beaucoup de choses.
Le problème, cétait que la réalité
de ma vie au quotidien nétait pas si rose. A lécole
non plus dailleurs. Et puis zut: «je ne voulais plus
être une gamine». Alors, tout à fait au hasard
des rencontres, je suis «tombée» sur un gars
qui était «branché Renaud» (le chanteur),
avec un langage denfer, buveur de bière, fumeur de
beedies et entouré dune craquée de copains hantant
les bistrots. Bref, le must, quoi!!! On parlait la même langue,
on vibrait pour la même musique et, à quinze ans, on
nétait plus des mômes.
Le temps a passé et le hasard (et oui, encore lui) ma
fait rencontrer une équipe de fumeurs de «joints».
Parmi eux, il y en avait un dont jétais mordue et qui
avait dix-huit ans. Un «dur» celui-là, la «classe».
Jétait bien avec lui et jétais la «nana»
dun chef de bande! Mais là, lenjeu était
beaucoup plus grand, il fallait que jassure, car plus on fumait
et plus on buvait, moins on dormait. Sacré performance si
on tenait le coup. Il fallait aussi connaître les «dealers»
et leurs habitudes, pour ne pas se faire serrer par les flics. Il
ny avait que des gens «comme nous» pour connaître
tous ces rituels et cette forme de hiérarchie. Malheureusement,
au bout de quelque temps, jai commencé à trouver
tout ça un peu «léger», alors, avec un
copain, on a «carburé à la coke», à
la codéine et à divers médicaments, genre Seresta.
Le pire dans tout ça, cétait que je ne me sentais
pas toujours à ma place dans ce milieu et je me suis même
retrouvée dans des situations où je ne pouvais même
plus bouger, à avoir des vertiges et des nausées et
à pleurer toutes les larmes de mon corps. Mais bon, le «copain»
soccupait de moi pour si jamais ça se passait mal,
alors...
Bref, cétait un milieu très particulier où
on navait pas besoin de se parler, ni de se «fringuer»
dune manière ou dune autre pour se reconnaître.
On était tous dans la même galère, encore des
frangins, quoi!!!
Puis un jour, alors que jétais habillée convenablement
pour mes parents (car je me changeais chaque fois en sortant de
la maison), un monsieur sest approché de moi pour me
demander une «clope». Il se trouve que ce monsieur (javais
alors dix-huit ans) était pilote dune grosse moto.
On a échangé quelques mots et on sest promis
de sappeler. Au premier rendez-vous, il est venu me chercher
avec sa moto, génial!!! Il ma présentée
à tous ses potes motards, tous âgés entre vingt-cinq
et trente-cinq ans et ils mont très vite intégrée
et même fait essayer une de leurs motos. La seule règle
de la «maison»: PAS DE DROGUE.
Hou la la! Ça changeait tout, que faire? Le gars était
sympa, prêt à mapprendre à piloter une
moto, mais sans drogue et il sest même engagé
à me protéger si quelquun venait me tenter.
OK, jai marché, mais un jour, après avoir passé
mon permis moto 125 cm3, je ne sais pas pourquoi, mais jai
voulu recommencer «juste une fois». Lhorreur.
Toutes les belles sensations que je ressentais sur ma moto se sont
envolées, je narrivais plus à rouler et jai
même failli casser la superbe moto dont jétais
si fière. Terminé, je nai plus recommencé,
car le plus important était mes vraies sensations, de pouvoir
rouler avec des grands pilotes, davoir un «jeu»
dadultes, avoir des rituels comme celui de se saluer entre
motards lorsquon se croise sur la route, une forme de solidarité
et de respect, avec un peu de danger et des voyages sans aucune
infraction autre que lexcès de vitesse. Et oui, il
ny avait que «nous les motards» pour comprendre
tout ça!
Aujourdhui, jai encore changé de vie. Je reste
«motarde» dans lâme, mais je suis heureuse
et fière (pas seulement pour moi, mais aussi pour mes parents)
dêtre mariée à un homme très bien,
davoir des enfants magnifiques, davoir un appartement
bien tenu et tout et tout. Je nai plus besoin dun groupe,
dune bande pour vivre, car jappartiens à une
superbe famille, qui maime pour ce que je suis et où
je nai rien dautre à prouver que mon amour.
Stéphanie
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