ARCHIVES (1997)

Changeons les rôles! Pas si simple!

Est-ce que la présence du père peut remplacer celle de la mère pour un enfant?
Quelle question bizarre! Premièrement, il n’est pas possible d’y répondre puisqu’il n’existe pas de mesure capable de les comparer. Ensuite, chaque parent devrait être complémentaire de l’autre et non interchangeable et, enfin, à notre époque, c’est plutôt démodé de poser ce genre de questions.

J’ai pourtant besoin de le savoir. Depuis quelque temps, je ne rentre plus très souvent à la maison à l’heure du repas de midi. Une augmentation de mon temps de travail m’a été proposée. En accord avec mon mari je l’ai acceptée puisque ce dernier peut se rendre disponible à certains moments de la journée: il est indépendant et travaille à proximité de notre domicile.

Donc tout va bien: mon mari amène nos deux enfants (4 et 6 ans) à l’école le matin. Il va les chercher à midi, mange avec eux et les ramène à l’école. Je prends ensuite la relève en allant les chercher à la sortie de l’école l’après-midi. Belle organisation, n’est-ce pas? Et pourtant. Mon coeur parfois hésite et mes états d’âme font surface: est-ce que tout se passe bien sans moi? Est-ce que cette situation est normale?

Si, dans la cour de l’école, une autre maman me fait une remarque comme: «On ne te voit plus beaucoup», je culpabilise. Un père qui est dans la cour de l’école trois fois par jour et la mère une seule fois, ça se remarque.
Prenons une situation plus courante: une maman qui gère tous les allers-retours maison-école de ses enfants. Aucun problème, tout le monde trouve cela tout à fait normal. Que le père soit absent au repas de midi est un fait banal et totalement acquis par la société. Merci pour lui, il n’a aucunement besoin de se culpabiliser. Mais qu’une mère soit absente à midi... ça fait bizarre, et à moi aussi ça me fait bizarre. Un père seul ne vaudrait-il donc pas autant qu’une mère seule? Pour que cette question ne se pose plus, la société doit encore évoluer, mais moi également puisque, comme je l’ai dit plus haut, je n’accepte pas encore notre situation.

Je constate qu’il me faut abandonner ma place de mère nourricière à l’heure de midi, cette place qu’occupait si bien ma mère qui, elle, ne travaillait pas. Il n’est pas si simple d’abandonner une fonction familiale si importante, qui est en règle générale un privilège de la mère. Il n’est pas facile non plus d’être la première à transgresser des fonctionnements, des rôles acquis, intégrés au plus profond de soi, transmis de génération en génération.

Puisque je culpabilise, je pourrais demander l’avis aux principaux intéressés: mes enfants. Et je l’ai fait: «Avez-vous remarqué que je travaille davantage et que je suis moins souvent à la maison?»
Ils m’ont répondu unanimement et sans hésiter: «Ah non, pas du tout, pas remarqué». Quelle question! C’est l’évidence puisque quelqu’un est là, à la maison, qui les accueille parfaitement. Sans parler du fait que pour eux c’est une chance de pouvoir être si souvent avec leur père, et ce dans le quotidien (ce sera peut-être le sujet d’un autre article!).

Alors tout va bien? Oui, sur le papier... mais au niveau du ventre et du coeur, ce n’est pas fini, ça s’agite encore.

Julie

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