ARCHIVES (1998)

Gémir ou agir

Que pensez-vous de ces nouvelles désespérantes servies quotidiennement par les médias? On dirait qu’elles se spécialisent dans le malheur. Elles transmettent de préférence tout ce qui peut augmenter l’insécurité, l’angoisse, la haine, la violence. On en ressort avec un sentiment d’impuissance. Comme si tout allait mal partout.
N’avons-nous pas tort de nous laisser contaminer? Nous finissons par croire que plus rien ne va plus sur notre planète. Une sorte de sentimentalité à fleur de peau obscurcit peu à peu notre jugement. Nous oublions que les « informations officielles » ne transmettent qu’une partie de la réalité.
Pourquoi entend-on si rarement parler de tous ceux qui mettent leurs compétences au service des démunis, des frustrés, des exclus? Ceux qui parcourent la planète dans le but de favoriser la compréhension mutuelle. Eux qui offrent leur temps et leurs forces pour créer un peu partout des foyers de solidarité et d’espoir.
Ils existent. Ils suscitent souvent des miracles. Mais ils font peu de publicité. Leur travail fait moins de bruit que les explosions et les avions de combat.
Oui, dites-vous, c’est réconfortant. C’est admirable. Mais moi, je ne suis qu’un grain de sable insignifiant. Ce que je pourrais faire, c’est dérisoire.
Pas la peine? Inutile? Vous vous laissez accabler par l’ampleur démesurée des démarches à entreprendre. Un peu comme ce missionnaire parti en Orient au siècle dernier avec l’idée de convertir tous les Chinois. Quand il a découvert qu’ils étaient 800 millions, il s’est senti tellement dépassé qu’il a préféré se suicider.
Plutôt que d’attendre d’avoir la taille d’un héros pour agir, je préfère me référer à l’histoire du papillon d’Hubert Reeves sur un champ de colza. Quel rôle peut bien jouer un papillon au sein du cosmos? Perdu au milieu des galaxies toujours plus nombreuses découvertes par les astrophysiciens, comment peut-il imaginer que sa vie puisse avoir la moindre influence?
Pour nous aider à comprendre que tout dans l’univers participe de tout, H. Reeves nous propose une fable. Penchés sur leurs ordinateurs archi-perfectionnés, des spécialistes s’ingénient à établir des prévisions météorologiques dont l’exactitude ne peut être soupçonnée. Leurs calculs sont irréprochables. Tout est prévu. Sauf le souffle léger produit par les ailes d’un papillon qui prend son envol. La situation s’en trouve modifiée. Les conditions générales ont évolué. Rien ne se passe comme c’était programmé.
L’image du papillon m’enchante. Je suis ravie que le faible battement de ses ailes ait réussi à changer quelque chose dans l’atmosphère. Qu’est-ce que nous attendons pour nous mettre en marche et offrir notre petite participation à la marche du monde?

Marguerite Loutan

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