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(1998)
Jour
blanc - idées noires
« Alors,
on y va? » insiste Christophe à la sortie de la
télécabine, prêt depuis longtemps à se
lancer dans le vide, hésitant pourtant entre la pente à
bosses à gauche et la poudreuse à droite de la piste.
Moi, après avoir fixé mes skis, mis mon bonnet et
mes gants, et cherché en vain mes lunettes de ski dans mon
sac à dos, je mavance pour chercher la piste, lendroit
où MOI jose descendre. MAIS JE NE VOIS RIEN! Tout est
blanc. Le brouillard enveloppe toute la montagne et embrasse la
neige qui tourbillonne autour de ma tête par fortes giboulées.
Je me sens tomber dans de la ouate.
« Alors... on y va! dis-je avec courage, heureusement
je connais les pistes ». A peine ai-je prononcé ces
mots que je ne vois plus mon fils de 9 ans. Et cest parti
pour les idées noires: « Pourvu quon se
retrouve là-bas au bout de ce nuage sans fin. Pourvu quil
ne se perde pas, quil nait pas daccident ».
Ma fille et moi skions plus ou moins ensemble. Pour finir on na
quà se laisser glisser pour descendre et oser le petit
schuss final, en fermant les yeux à cause des flocons qui
nous attaquent. Et voilà, réussi. Je soupire, jessuie
mes yeux qui piquent (quelle idée de se maquiller pour aller
skier!). Me trouvant à côté du restaurant, jai
déjà ma première envie dun petit café,
et jessaie de dire que je trouve ces conditions épouvantables
et que je nai aucun plaisir de... « Maman, tu exagères,
ça va très bien... Alors, on y va?!? »
dit Christophe qui se dirige vers le téléski le plus
proche.
Je suis les enfants et ça recommence: « Non, pas
ce téléski-là, Christophe sest fait soulever
par cet engin lannée passée, et il est tombé
sans arrêt ». Joublie quil est plus
âgé et plus lourd maintenant, et quil y a beaucoup
plus de neige cet hiver. Mon fils se trouve deux perches devant
moi - je le sais - mais je ne le vois plus. Je mimagine quil
heurte une bosse, quil lâche la perche, quil perd
ses bâtons ou ses gants, quil... Mais ça ne va
pas? Le ciel me tombe sur la tête, je déprime, je vois
tout en noir. En arrivant en haut, je cherche un skieur avec une
veste colorée qui pourrait nous servir de guide pour la descente.
« Alors on y va! ».
Les enfants trouvent cela très rigolo. A peine arrivés
vers le restaurant ils choisissent déjà la prochaine
piste. MOI JE NEN PEUX PLUS. Les enfants continuent seuls
et moi, je moffre un petit café et je replonge dans
le noir: le restaurant est rempli à craquer, je glisse avec
mes chaussures de ski mouillées, je ne trouve pas de place,
le café a lair dun bouillon, les W-C sont bouchés,
les lavabos sont pleins de mouchoirs en papier et le miroir est
cassé: tout ménerve.
Je décide dattendre les enfants dehors. Ils font descente
après descente - tout heureux! A la fin de la journée,
ils ne râlent pas pour porter les skis de la gare à
lhôtel, mais discutent de la suite du programme en hésitant
entre patinoire et piscine.
Je me secoue! Etre heureux comme les enfants... Ne pas se laisser
envahir par les angoisses, les soucis, ne pas prévoir des
catastrophes à tout moment, prendre chaque instant comme
il vient en cherchant son côté positif. Sourire au
lieu de sénerver. Chasser les idées noires!
Cest la leçon que jai reçue de mes enfants
- un jour blanc.
Silvia Ehrensperger
Communauté romande des Ecoles des parents
Groupe Média
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