ARCHIVES (1998)

La famille aujourd’hui

Resplendissante sur son lit à la Maternité, elle me raconte son accouchement avec force détails ainsi que sa grossesse, à laquelle tout le monde a participé depuis le petit frère qui, avant qu’elle ne le sache elle-même, avait annoncé l’arrivée pour bientôt d’une petite soeur, le mari qui journellement se penchait sur son ventre, écoutait les battements du coeur, parlait au bébé. D’ailleurs le bébé à l’intérieur du ventre reconnaissait la voix du père, par contre pas celle du grand-père! A l’entendre, ce bébé n’avait pas eu beaucoup de tranquillité, étant avant sa naissance sollicité de toutes parts! On a nommé ce bébé d’un nom très spécial, inventé par le petit frère. Du genre Tati ou Baba... A la première visite, il s’était écrié: « Elle est où, Tati? ». Pensez, si on l’avait appelée autrement... quelle déception! Bourrée de théories, de lectures, de préparation à la naissance, de conseils de toutes sortes, elle va rentrer à la maison. Bonne chance!
Par contre, moi, je sors de la Maternité et je me retrouve face aux adolescentes, comme tous les lundis (dans le cadre d’un centre de planning familial). Là, c’est une autre histoire.
- La famille... Bof!
13 h
- Ma mère est partie avec un jeune homme et nous a laissés, les quatre enfants seuls avec mon père. Comme il travaille comme un fou pour oublier son chagrin, c’est moi qui dois tout faire, y compris m’occuper de ma petite soeur de 5 ans... Quelquefois, elle fait des scènes et se roule par terre en appelant sa maman. J’en ai marre, vous comprenez, Madame, marre d’avoir toute ma vie entendu des disputes, marre de devoir remplacer ma mère, marre de voir le chagrin de mon père...
14 h
- A la maison, on ne parle jamais. Toujours pressé, on regarde de temps en temps la télévision ensemble. Mais c’est tout. D’ailleurs, je préfère ça, comme cela je n’ai rien besoin de dire...
15 h
- Moi, j’ai 29 ans. Je me sens vieille, très vieille. Je voudrais divorcer, mais je n’ose pas, car je suis contre le divorce. Je suis séparée. Tous les week-ends, je rentre à la maison et tous les week-ends j’assiste aux disputes perpétuelles de mes parents et je me dis: « Ah! non, si c’est ça la vie de couple, merci beaucoup, il faut que je divorce ».
Ces exemples, pris sur le vif, sont-ils le reflet de la famille d’aujourd’hui? Y a-t-il un prototype de la famille actuelle? J’y vois plutôt des tendances et des contrastes. Tendance à vouloir bien faire dans un monde difficile. Vouloir élever bien ses enfants et ceci différemment de la façon dont on a été élevé. Mais entre désir et réalité, il y a souvent un fossé et les jeunes couples n’ont pas été préparés à faire des concessions, d’où ébranlement aux premières difficultés inhérentes à la vie de couple, déceptions, suivies souvent d’un divorce dans l’idée de trouver mieux ou ailleurs ce qu’on n’a pas trouvé dans son mariage... Et la roue tourne... Les enfants auront des mères et des marâtres, des familles restructurées. Ils seront ballottés d’un endroit à un autre, un week-end par-ci, un autre par-là et ainsi de suite...
Mais qui sait, peut-être que cela les préparera mieux à notre monde que les cocons douillets auxquels nous avons habitué nos enfants devenus adultes et si mal préparés au chômage, aux difficultés à trouver une identité dans un monde qui change sans arrêt...

Maude

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