ARCHIVES (1998)

Du pouvoir des mères

Lorsque je rencontre quelqu’un que je n’ai pas vu depuis longtemps, j’ose à peine lui demander des nouvelles de son conjoint, tellement nous sommes entourés de couples qui divorcent. Que de déchirements, que de destruction du passé, combien d’affrontements sans merci...
Longtemps j’ai pensé que la femme était perdante; il est vrai qu’il est difficile de reprendre un travail, indispensable pour faire bouillir la marmite, que l’éducation des enfants au jour le jour est dure à assumer seule. Il arrive que l’homme paie mal sa pension, qu’il ait de nombreuses maîtresses... De plus, c’est lui qui a le bon côté dans l’éducation des enfants: week-ends et vacances, donc pas de devoirs et peu de contraintes. Il a plus de facilité à refaire sa vie, bref l’homme me semblait avoir le beau rôle.
Mais depuis quelque temps mon impression première a changé. J’ai rencontré plusieurs cas, dans lesquels la mère fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le père de voir ses enfants. Et dans ce domaine elle fait preuve d’une rare efficacité. Il est vrai qu’il est relativement facile à une mère de persuader ses enfants qu’ils sont mieux avec elle qu’avec leur père. J’en ai maintes fois fait l’expérience moi-même. Lorsque je demande aux enfants: « Voulez-vous faire telle ou telle activité avec Papa ou Maman? » la réponse est immanquablement: « Maman » bien que leur père soit gentil, gai et généreux!
Certaines mères exploitent cette « préférence » des enfants, érigeant leurs ex-maris en monstres durs et injustes; parfois elles réussissent à ce que les enfants ne voient plus leur père. Il arrive qu’un père n’a pas eu conscience dès le début de la situation. Par gain de paix, il a renoncé à voir ses enfants une, deux, voire trois fois, ce qui est qualifié d’indifférence et provoque la coupure. Ce n’est pas parce que la relation mère-enfant est forte qu’un père les aime moins, ni parce qu’il passe moins de temps avec eux qu’une séparation sera plus facile à supporter.
Une mère exclusive réalise-t-elle le mal terrible qu’elle inflige au père de ses enfants, le manque et l’angoisse qu’entraîne cette situation? Et les enfants? Quel sera leur avenir sans père? Comment vivront-ils avec l’image négative qui leur en est donnée? Quelle opinion auront-ils de leur mère le jour où ils redécouvriront en leur père un homme bien?
N’est-ce pas le rôle des amis de prévenir ce genre de situation? Bien qu’il soit pratiquement impossible de rester neutre, il faut essayer de comprendre chaque membre du couple, le soutenir sans détruire l’autre et par dessus tout il est important de parler de la situation des enfants, qui ont autant besoin d’un père que d’une mère.
Si la mère a des craintes fondées sur des colères mal maîtrisées, sur des punitions trop violentes, n’est-il pas possible de proposer que le père voie ses enfants « en terrain neutre », afin que le lien ne soit pas rompu?
Un ami m’a dit un jour: « J’ai raté mon mariage, je veux réussir mon divorce ». Mais il est impossible de « réussir » un échec. Le divorce étant un échec, il faut essayer de le régler le mieux possible. De nombreux non-dits et conflits accumulés au cours des années ressortent immanquablement. Même si c'est difficile, tous les efforts devraient être rassemblés afin de préserver les enfants, car ils n’ont pas choisi cette situation dont ils sont si souvent les victimes innocentes.

Laurence

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