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(1998)
Papa,
dis-moi...
Stéphanie
se vautre sur le sofa, à côté de son papa pour
lui montrer son carnet scolaire dont elle n'est pas peu fière.
Je lentends dire: « Regarde, petit papa chéri »
en dispensant ses câlins et « Je suis quand même
fortiche, hein? ». Sous peu elle se mettra à ronronner,
me dis-je. Il est vrai que ces manigances ménervent...
mais pourquoi donc?
Est-ce que je me sentirais en danger? Serait-elle une concurrente
pour moi? Une voix intérieure me taxe de ridicule, mais en
même temps un petit diable dans mes tripes me dit que son
jeune corps souple et élancé est séduisant
et que son père la regarde avec un sourire bien trop admiratif.
Jai envie de sortir mes griffes et dêtre désagréable.
« Stéphanie, regarde un peu la crasse dans ta
chambre; tu nas pas honte? » ou « Stéphanie,
tu pourrais au moins maider à mettre la table! ».
Voilà des propos qui me feraient du bien... Et pourtant,
je me retiens.
Par contre, aussitôt les enfants disparus dans leurs chambres,
jexplose: « Ecoute, Jean, je trouve que tu exagères
quand tu cajoles à ce point ta grande fille. On vous prendrait
pour deux amoureux, non mais... ». Mon mari me regarde
dun air perplexe: « Quest-ce qui ne va pas?
Tu ne crois pas quune jeune fille a le droit dentendre
de son père quelle est jolie? Toi aussi, tu le lui
dis quand tu la trouves mignonne; alors pourquoi pas moi? ».
Et tout dun coup me revient limage de mon propre père.
Comme jespérais quil me dise une fois, une seule
fois, quil me trouve jolie! Il était charmant avec
mes amies, pas avec moi. Il me louait pour mes bonnes notes, pas
pour mon physique; et je traduisais que mon look ne valait pas la
peine dune mention, que jétais quelconque, minus,
moche.
Stéphanie a bien de la chance davoir un père
qui lapprécie!
Eva Kaenzig
Communauté romande des Ecoles de parents
Groupe Média
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