ARCHIVES (1998)

Livres ou pas livres?
(réaction au texte de Nathalie)

Ce qu’écrit Nathalie est tout à fait juste mais je voudrais y apporter une petite nuance personnelle. Il me semble difficile, d’un coup d’un seul, de considérer les livres comme inutiles. Il est évident que le créneau « éducation » est excellent pour les éditeurs et que beaucoup d’ouvrages sortent sur le marché uniquement à des fins commerciales. D’autant plus qu’il n’est pas très compliqué de trouver des titres accrocheurs dans ce domaine. Rien que celui cité par Nathalie,  « tout se joue avant douze mois », est excellent: là, pour peu que vous ayez déjà accouché, vous n’avez plus le temps de vous renseigner si ce livre est bon, il faut l’acheter vite car, déjà, le décompte a commencé... J’ai eu plus de chance puisque de mon temps « tout se jouait avant la maternelle », cela fait tout de même douze mois de plus!

Les livres comme pistes de réflexions
Mais, personnellement, tout au long de mon apprentissage de maman, les livres ont été d’un apport non négligeable. Je me réfère souvent à mes intuitions, mais cela ne suffit pas toujours. Ce que j’ai pu apprendre par des lectures, des conférences ou des articles dans des journaux m’a souvent permis d’aller un peu plus loin.
Peut-être que c’est notre manière de lire qui est en cause. Voici quelques-unes de mes réflexions:
· Premièrement, il ne faudrait pas, dans ce domaine, vouloir tout lire. L’offre est tellement grande, les avis si différents, les modes si mouvantes que c’est humainement impossible de s’en sortir avec des idées claires si l’on s’amusait à tout lire. Personnellement, une fois que j’ai trouvé 2 à 3 auteurs qui m’intéressent, je m’arrête là, modestement. Après une pause, il m’est alors plus facile d’aller chercher plus loin.
· Ne pas espérer trouver des recettes et des conseils qui correspondent exactement à nos problèmes. Les livres peuvent au mieux nous donner des pistes de réflexions qu’il faut ensuite s’approprier et transformer. Comme dit Nathalie, quand il y a vraiment problème ou réel besoin d’aide et d’écoute, mieux vaut aller chez un professionnel.
· Ne pas croire tout ce qu’ils disent, ces spécialistes, ne pas avaler leurs propos tout rond. Nous devons garder notre esprit critique malgré le tapage médiatique fait autour de certains livres. Nous avons le droit de douter de leurs théories.

Profiter de l'expérience de certains auteurs
Il est évident que la relation n'est pas simple entre nous, pauvres incultes, et les médecins-psychiatres. Nous avons souvent l’impression qu’ils compliquent tout. En plus, notre première réaction en les lisant est de penser que nous faisons tout faux et de nous culpabiliser, ce qui ne facilite pas la lecture.
Mais à l’autre extrême, les parents qui prétendent qu’il suffit de croire à leur instinct pour ne pas se tromper ne m’inspirent pas toujours confiance. Cela peut être un prétexte pour ne pas se remettre en question et ne pas s’ouvrir à certaines expériences faites par d’autres. Car, ces auteurs sont avant tout des personnes dont le métier est de travailler dans le domaine de l’éducation. Certains s’en sortent mieux que d’autres, comme partout. Mais ce serait dommage de ne pas profiter des expériences qu’ils font au cours de leur vie professionnelle, des nombreux cas qu’ils rencontrent et des réflexions qu’ils proposent.

Des livres qui nous touchent
Alors à quoi me servent ces livres? En les lisant, tout à coup, une phrase, une réflexion m’ouvre l’esprit, me sort de mes pensées qui tournent habituellement dans ma tête. Des passages
· me permettent de me conforter dans mes intuitions, et comme cela fait du bien,
· m’interpellent fortement, me remettent en question et cela me fait avancer,
· offrent une formulation claire à mes réflexions un peu floues.
Il reste un problème: reconnaître les bons livres des moins bons; pas évident. Personnellement je fonctionne ainsi: si je lis un auteur qui me heurte et qui a un point de vue qui ne me plaît pas, je l’abandonne quelle que soit sa cote auprès des critiques. Je crois qu’il faut se faire confiance. Quand nous sentons qu’un livre nous touche, c’est qu’il y a quelque chose à y trouver. Cela ne veut pas forcément dire qu’il correspond en tout point à ce que nous pensons, bien au contraire, mais un livre qui « nous parle et qui nous répond » vaut la peine d’être lu.
Mais surtout, si je n’avais qu’un conseil à vous donner, c’est de continuer à lire les Entretiens sur l’éducation…, mais à une condition: que vous gardiez votre esprit critique sinon ce serait trop lourd à assumer pour nous! 

Julie

P. S.: Ce n’est plus tellement dans le propos de l’article mais j’ai envie de vous parler de deux pistes de réflexion qui m’ont été apportées par des livres. Il y en aurait d’autres mais ce sont les deux premières qui me viennent à l’esprit.
Je me souviens d'avoir été frappée par le titre d’un ouvrage de Bruno Bettelheim « Pour être des parents acceptables ».
J’attendais notre premier enfant et j’avais comme ambition de devenir une maman non pas parfaite (je fais partie de la génération qui a compris que les mères parfaites, cela n’existait pas et qu’en plus c’était dangereux), mais tout de même assez bonne. Il y avait donc une certaine prétention de ma part. M. Bettelheim expliquait que de s’efforcer d’être des parents « acceptables » était déjà suffisant pour les enfants.
Cette théorie était nouvelle pour moi et me convint assez rapidement. Je réalisais que c’était davantage dans mes cordes d’arriver à être simplement acceptable. C’était une valeur plus objective que « assez bonne ». Je comprenais que ce but à atteindre était celui qui était le plus « honnête » envers moi et envers notre enfant. A lui de porter plus tard un jugement de valeur plus subjectif sur notre éducation. Ce livre a donc passablement allégé le poids de mes ambitions et cela a facilité ma tâche.
Le deuxième exemple pourra vous paraître futile, mais il m’a permis de m’accorder de nombreuses soirées bien agréables, ce qui, n’est pas négligeable.
J’ai lu chez François Dolto une réflexion concernant le rituel du coucher chez les enfants. Elle écrivait que les parents pouvaient sans autre dire le soir à leurs enfants (je la cite de mémoire): il est maintenant 20h…, nous nous sommes occupés de vous toute la journée, nous voulons maintenant nous occuper de nous, alors allez dans votre chambre, vous pouvez encore lire ou dessiner un moment, mais ne nous dérangez plus.  
Oh que cela sonnait doux à mes oreilles! J’étais rassurée: je ne devais donc pas à tout prix et dans toutes les situations être à l’écoute de mes enfants. Cela correspondait d’ailleurs à une vraie grande envie de ma part. Le soir, je suis fatiguée et j’ai besoin d’avoir un moment pour moi avec ou sans mon mari.
Sans ce livre, je ne sais pas si j’aurais été capable de dire si tôt, si naturellement, si clairement et sans culpabilité qu’il fallait me laisser tranquille le soir quand j’en avais besoin.
Une des conséquences de cette demande est que si je n’ai pas le temps ou pas l’envie de procéder à tout le rituel du coucher (laver les dents, lire des histoires, chanter..), ils sont depuis longtemps capables de l’assumer tout seuls et en plus ils adorent lire tranquillement dans leur lit le soir.

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