ARCHIVES (1998)

Le petit sapin

Il était une fois un petit sapin. Seul, dans la forêt, au milieu des autres arbres qui avaient des feuilles, il avait des aiguilles, rien que des aiguilles. Comme il se plaignait!
- Tous mes camarades ont de belles feuilles, des feuilles bien vertes. Moi j’ai des piquants! Je voudrais avoir, pour leur faire envie, des feuilles tout en or!
Et le lendemain, quand il s’éveilla, il fut ébloui:
- Où sont mes piquants? Je ne les ai plus. Mais les feuilles d’or que je demandais, on me les a données. Que je suis content!
Et tous ses voisins qui le regardaient se mirent à dire:
- Le petit sapin, il est tout en or!
Mais voilà qu’un homme, un vilain voleur, vint dans la forêt et les entendit. Il pensa en lui-même:
- Un sapin en or, voilà mon affaire!
Mais il avait peur d’être vu et revint le soir avec un grand sac. Il prit toutes les feuilles sans en laisser une.
Et le lendemain le pauvre petit sapin qui se vit tout nu se mit à pleurer.
- Je ne veux plus d’or, se dit-il tout bas. Quand les voleurs viennent, ils vous prennent tout et on n’a plus rien. Je voudrais avoir des feuilles tout en verre, le verre brille aussi!
Or, le lendemain, quand il s’éveilla, il avait les feuilles qu’il souhaitait. Il fut bien content et se mit à dire:
- Au lieu des feuilles d’or, j’ai des feuilles de verre, je suis bien tranquille, on me les laissera.
Et tous ses voisins qui le regardaient dirent à leur tour:
- Le petit sapin, il est tout en verre!
Mais, quand vint le soir, voilà la tempête qui souffle bien fort. Le petit sapin a beau supplier, le vent le secoue et de toutes ses feuilles n’en laisse pas une.
La nuit passée, maintenant c’est le jour. Voyant le dégât, le pauvre sapin se met à pleurer:
- Que je suis malheureux! Encore une fois, me voilà tout nu. Toutes mes feuilles d’or, on les a volées, et mes feuilles de verre, on les a brisées. Je voudrais avoir, comme mes camarades, des belles feuilles vertes.
Or, le jour suivant, quand il s’éveilla, il avait reçu ce qu’il souhaitait.
- Que je suis content! Me voilà tranquille, je ne crains plus rien.
Et tous ses voisins qui le regardaient se mirent à dire:
- Le petit sapin! Tiens, tiens, tiens, tiens, tiens! Il est comme nous!
Mais, dans la journée, voilà que la chèvre avec ses chevreaux vient se promener. Quand elle aperçoit le petit sapin, elle se met à dire:
- Venez, mes petits, venez, mes enfants! Régalez-vous bien et ne laissez rien!
Les petits chevreaux viennent en sautant et dévorent tout en moins d’un instant.
Puis, quand vint le soir, le petit sapin, tout nu, frissonnant, se mit à pleurer comme un pauvre enfant.
- Ils ont tout mangé, dit-il tout bas, et je n’ai plus rien. J’ai perdu mes feuilles, mes belles feuilles vertes, comme mes feuilles de verre et mes feuilles d’or. Si on me rendait toutes mes aiguilles, je serais content!
Et le lendemain, en se réveillant, le petit sapin ne sait plus que dire, il a retrouvé tous ses vieux piquants.
Comme il est heureux! Comme il s’admire! Il est bien guéri de tout son orgueil. Et tous ses voisins qui l’entendent rire se mettent à dire en le regardant:
- Le petit sapin, il est comme avant!

A paru dans « Comment raconter des histoires aux enfants »
livre (épuisé) de Sara Cone Bryant

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