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(1999)
Domaine
privé!
Depuis
quelques mois, notre fils (15 ans) a bien changé. Il a pris
des manies embarrassantes, par exemple celle de nous interdire lentrée
de sa chambre. Je ne peux même plus y faire le ménage.
Quant à la lessive propre, je la dépose dans le corridor.
Sans parler du lit jamais fait, des mauvaises odeurs et dun
désordre monumental! Jen suis honteuse et peinée.
Mon mari et moi ne savons comment exiger un minimum de propreté.
« Veux tout seul! » dit lenfant de deux
ans en repoussant la main qui le soutient. Actuellement, votre grand
fils en fait tout autant, à sa manière dadolescent,
bien sûr. Mais tout de même, cest une mise à
distance de la famille et les premiers pas du départ de la
maison.
En posant des limites et des moments de silence dans léchange
familial, ladolescent se donne un lieu et un temps de centration
sur soi avec laffirmation implicite: « Les autres,
vous nêtes pas moi ». Cest le temps
de mûrir et de digérer psychiquement les événements
de la journée, découter sa voix intérieure.
Cette chambre bien à soi, cest comme une extension
du corps de ladolescent qui cherche à sapproprier
la gestion de ses besoins élémentaires (salimenter,
dormir). Souvent, il a lenvie dexpérimenter linverse
des habitudes dhygiène acquises, de connaître
aussi la saleté, le désordre, le jeûne, le sommeil
irrégulier, avant de pouvoir définir ses propres limites
et ses rythmes. Une chambre à soi, cest fermer la porte
aux yeux des parents et souvrir seul ou avec une amie aux
sensations nouvelles et variées de la sexualité.
Exiger un minimum de propreté... oui, pourquoi pas, tout
en sachant que là nest pas le fond du problème.
Lessentiel, cest de faire preuve de souplesse pour créer
une relation de qualité. Pratiquement, cela revient à
accepter dautres perspectives. Ainsi, le désordre nest
pas seulement un laisser-aller dépressif qui a une part de
provocation. Cest aussi un essai détablir son
propre ordre. Il est donc moins condamnable que respectable, car
cest une recherche de soi entre la dépendance et lautonomie.
Françoise Kobr
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