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(1999)
La
critique en question
Dans
mon enfance, comme dans celle de mon mari, la critique nexistait
pas au sein de la famille. Toutes les personnes autour de nous étaient
gentilles et normales. Elles pouvaient, au pire, être spéciales.
Nous les enfants ne pouvions donc pas imaginer quil puisse
exister dans le monde, et surtout dans notre entourage, des personnes
qui pouvaient être parfois sournoises, méchantes, prêtes
à tout pour gagner, pour obtenir le pouvoir.
Evidemment quand, plus tard, dans la vie professionnelle entre autres,
nous avons dû constater que pour certains tous les coups étaient
permis, nous tombions un peu des nues. Le temps de se remettre de
notre étonnement, les coups étaient déjà
partis et cela faisait mal.
Nous nous sommes donc retrouvés démunis face aux conflits
et face aux réactions qui nous paraissaient injustes. Il
a fallu apprendre que tout le monde nétait pas forcément
bon et gentil, et que notre droit le plus fondamental nous autorisait
à nous défendre, par la parole bien entendu, et même
si cela pouvait faire mal à lautre. Dur apprentissage
(pas encore terminé...!).
Forts de cette expérience, mon mari et moi avons décidé
de ne pas éduquer nos enfants de la même manière.
Quand nous vivons des conflits dans notre vie professionnelle ou
dans notre entourage, nous en parlons ouvertement. Cela, je suis
convaincue que cest bien: ils apprennent que la vie nest
pas toujours facile et que parfois il faut savoir dire ce quon
ressent et se battre, si lon veut rétablir ce que lon
considère comme juste.
Ce qui me laisse davantage perplexe, cest que, dans ce contexte,
nous critiquons des personnes quils connaissent. Par exemple,
quand nos enfants rencontrent des problèmes graves avec des
camarades et que nous avons pu nous-mêmes observer ces conflits,
nous en discutons avec eux. Il nous arrive alors de parler de certains
enfants en termes assez durs, si cela nous semble justifié.
Est-ce un bien? Je ne sais pas. Cela peut certainement leur permettre
de comprendre plus vite certaines situations, déviter
parfois des déceptions et de mieux réagir.
Mais nous navons pas la science infuse: nous pouvons nous
tromper. Notre point de vue nest pas non plus forcément
le même que celui de nos enfants et peut donc leur faire mal,
par exemple quand nous critiquons une personne quils aiment
bien. Nous essayons de faire attention et dévoluer
dans nos prises de position. Dailleurs, quand ils ne sont
pas daccord avec nous, ils ne se retiennent pas de le dire.
Dans un sens, la manière de faire de nos parents nétait
pas si mauvaise: elle nous indiquait la voie vers une certaine morale.
Les autres étaient bons, nous devions lêtre aussi.
A lépoque actuelle, on peut parfois regretter un certain
manque de morale, un flou artistique autour du sens donné
à léducation des enfants.
Devant ce manque de « morale », il nous est
parfois difficile de rester les bras ballants et de laisser les
enfants se débattre seuls. Alors ces échanges autour
des comportements de chacun, ne serait-ce pas des leçons
dintroduction à la morale?
Dans tous les cas, il nous semble important de partager les opinions
de chacun, plutôt que de se taire devant les problèmes.
Julie
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